Jorge Raconte son Marathon de Seville

Jorge Raconte son Marathon de Seville

Impressions Sevilla 19/02/23.

Une semaine après la course, voici un résumé en 4 points qui ont eu (avant et pendant le marathon) de l’importance dans mon état physique et mental pour la réalisation de mon objectif. 

1) Prendre du plaisir (On fait bien tout ça pour le fun)

J’ai pris énormément du plaisir dans la course, mais aussi à suivre le plan d’entraînement, j’ai profité de la période de préparation, et j’ai vraiment pris du plaisir à  m’entraîner, malgré la météo, malgré les fêtes, malgré le soleil qui se couchait bien avant 18h, moi qui n’aime pas courir la nuit, je me disais : « si tu peux faire ça maintenant… quand il y aura du soleil ça sera mille fois mieux ».

Par contre, je ne cache pas que, un vendredi soir, avec le froid, la nuit, avec toute la fatigue accumulée de la semaine,  se taper un 3×6000 sur piste, est loin d’être une partie du plaisir.

Mais, si je mets dans une balance, les  sensations positives et négatives, elle penche clairement du côté du positif. 

Jamais le plan d’entraînement n’est devenu quelque chose de pesant ou d’obligatoire, je crois que si notre plan devient une contrainte, il faut revoir ses aspirations.

En ce qui concerne proprement le jour de course, mon état d’esprit est le suivant, je me dis à moi-même : « tu as fait presque 800 km de prépa, ils ne te restent que 42.195 pour fermer ce chapitre, profite de chaque maudit mètre qui se trouve devant toi ».

2) Ne pas se laisser « polluer » par les inconvénients le jour J (Dire adieu aux nuages noirs qui viennent assombrir l’horizon)

Je suis très méthodique en ce qui concerne mon plan d’attaque pour la course, j’essaie de laisser les moins des facteurs soumis au hasard. J’aime bien  prédéfinir à l’avance, où est ce que je vais prendre de l’eau, où mes gels, où la boisson de ma petite gourde, etc. Un point très important pour moi, sont les temps de passage au kilomètre, pour m’aider à garder mon rythme de course (4’23″/km) depuis au moins deux semaines que j’avais imprimé, plastifié et soigneusement gardé un pense bête avec les temps du passage pour chaque un des 42 km.

Moment de panique, lorsque, une fois dans mon sas, je me suis aperçu que mon joli papier plastifié était resté bien au chaud dans ma valise à l’appartement. 

Au lieu de laisser l’inquiétude commencer à prendre le dessus sur moi, je me suis dit : « allez, c’est n’est pas grave, tu connais ton rythme de course, tu l’as reproduit semaine après semaine », tu n’as à que le refaire comme chaque dimanche depuis trois mois ».

Ça m’a permis de transformer un probable handicap (ne pas avoir un visuel sur mes temps de passage) en une force, car je me suis vraiment concentré km après km à rester sur mon rythme. 

J’ai pu faire abstraction sur la totalité de la tâche à effectuer, pour me concentrer sur 42 petits bouts de course à  boucler en 4’23 ».

Un autre « incident » s’est présenté 30 secondes avant le départ. 

L’organisation avait bien établi des SAS de départ, tous avec son entrée bien définie et vérification de la couleur du dossard pour y entrer. 

J’ai étais surpris, lorsque, juste avant le départ, les organisateurs ont retiré tous les rubans de séparation entre les sas, donc, me voici avec un départ groupé (presque 9000 coureurs!) au lieu d’un départ par vagues auquel je m’attendais.

Plutôt que de démarrer mon marathon avec des mauvaises sensations ou dans un état loin d’être serein, j’ai « profité » de cette situation pour ne pas partir trop vite (erreur commise à Paris) et bien trouver, dès les premiers kilomètres, mon rythme de course.

3) Il faut avoir un plan de course, le respecter et se tenir à lui (malgré les chants des sirènes)

Pour moi, l’ objectif numéro un était clair,  4’23 » au kilomètre et j’ai essayé le mieux que je pouvais de me tenir à cette cadence. 

En parlant du temps de course, un ancien coach de ACF un jour m’a dit la phrase suivante : « Dans un marathon, tu n’as rien gagné (en temps),  jusqu’à au moment que tu franchis la ligne d’arrivée « .

Donc, avec cette phrase en tête, je me suis contrôlé pour ne pas partir trop vite lors de la première moitié de la course, car, c’est trop  tentant : les forces sont là, on se sent porté par l’excitation, par la adrénaline, par les encouragements du public, c’est trop facile de perdre ses repères en se laissant emporter dans un faux rythme, qui sera payé cash lors de la deuxième moitié de la course. 

Voici les écarts entre le temps pour finir en 3H05′ et mon temps réel réalisé lors des passages aux points du contrôle :

KM t (3H05) t (réel)
5 21’55 » 21’57’’
10 43’50’’ 43’32’’
15 1h05’45 » 1h05’31 »
20 1h27’41 » 1h27’13 »
25 1h49’36 » 1h49’11 »
30 2h11’31 » 2h10’43 »
35 2h33’27 » 2h32’13 »
40 2h55’22 » 2h53’42 »
Arrivée 3h05’00’’ 3h02’54’’.

 

Le deuxième objectif de mon plan était d’éviter au maximum une baisse du régime (brutale) dû au mur du 30ème.

Pour ça, autre que garder mon rythme programmé, j’ai bien pris tous mes ravitaillements à partir d’une heure de course. 

Tous les 5 km (donc au 15, 20, 25, 30 et 35, au 40 je crois que je l’ai raté,  je ne me souviens pas trop bien☺) je prenais, soit de petites gélules powerbar, soit des gels classiques en alternant de l’eau pure avec ma boisson  isotonique (thé vert,  du sucre,  du sel et du jus citron). En tout,  j’ai pris 14 power shoots (56g de sucre) et 2 gels classiques (52 g de sucre).

Une fois arrivé au 35, j’ai poussé un grand « ufff » de soulagement (interne) car je me sentais avec de l’énergie tant physique que mentale pour aborder les derniers kilomètres.

4) Savoir écouter son corps et trouver un équilibre (les négociations peuvent s’avérer âpres).

Je vais essayer de décrire le plus simplement possible, mon état d’esprit lors de ma course. 

J’ai la sensation d’être composé de trois entités différentes, mais en même temps intimement liées. 

Une première entité que j’appellerai ici, « corps », elle ressent la douleur, la fatigue,  c’est  l’entité qui est en contact avec l’effort et l’extérieur. 

Une deuxième entité,  nommée « tête », c’est la salle des machines, c’est ici qu’on décide si tout va bien, si on peut accélérer, si on accepte la douleur proposé par « corps » ou pour le contraire,  si dans « tête » il y a trop des voyants en rouge l’addition peut devenir trop chère. 

Et il y a « moi » (troisième entité), le rôle de ce « moi » est d’être un médiateur entre « corps » et « tête ».

Pour le général j’ai plus de « difficultés » avec « corps » qu’avec « tête ».

Je vais essayer de m’expliquer : 

Aux alentours du km 16~17, j’ai commencé à ressentir une douleur inhabituel à la jambe gauche  (le muscle vaste latérale),  c’est que « tête » n’arrivait pas à bien analyser c’était que ça faisait mal que d’un côté (que à gauche), que ça était nouveau (pas de sensations similaires pendant toute la prépa) et qu’on n’était pas encore à la moitié de la course. 

Les signaux envoyés par « corps » éteints, le moins que l’on peut dire…inquiétants. 

Mon rôle en tant que médiateur, ça était de dire : « Pour l’instant, nous allons ignorer cette douleur, attendons le semi pour faire un état des lieux « , j’ai changé de position sur la route, afin de trouver une autre façon d’attaquer le sol, « tête » a dit : « fais comment  tu veux mon vieux,  c’est ta course », « corps » a encore rechigne quelques km mais heureusement aux alentours du semi, la sensation avait disparu ou avait-elle était cachée par des autres sensations, l’important ça n’était que, un équilibre avait-il était retrouvé  sans pour autant trop perturber mon plan de course. 

Voici un autre exemple, celui-ci plus significative, de ces « discussions » à trois : 

Mon plan de course se déroulait sans grandes difficultés, mon objectif était d’arriver vers le 33~34 en ayant laissé le moindre des plumes possibles. J’attendais sortir de la Plaza de España (km 34),  décor magnifique, mais avec une petite boucle (en forme de champignon) qui changeait le rythme des longues avenues en ligne droite et qui chargeait les jambes dû à la petite boucle serré (trop à mon goût ☺), pour passer de mon rythme 4’23 » à quelque chose plus proche de mon l’allure semi-marathon ( 4’10~4’05 » au kilo).

Ma tête était d’accord pour pousser un peu la machine et tous les voyants étaient au vert.

Dès que j’accélère, je ressens immédiatement le début d’une crampe s’insinuer au mollet gauche. 

Donc, me voici  entre « tête » qui lançait des : « allé,  allé on y va ».

« Corps » que répondait: « attention au mollet,  risque de crampe »  et « moi » au milieu de tout ça, partagé entre l’envie d’y aller et la crainte de perdre mon objectif.

J’ai trouvé une solution intermédiaire, au lieu de m’installer sur un rythme proche de 4’10″~4’05 » au kilomètre,  je me suis contenté d’un 4’17 », qui me permettrait de continuer de gagner du temps par rapport à mon plan de course, sans pour autant,  déclencher le signal d’alarme au mollet gauche. 

Vers le 38éme, j’ai réessayé encore une fois d’accélérer et le message envoyé  par mon « corps » a était clair,  plus vite  que ça,  ça sera la crampe.

Je me trouvais  dans la situation d’un joueur de poker qui hésite à mettre tous les jetons qu’il a déjà gagné au cours d’une soirée,  pour tenter un quitte ou double,  un « all in » trop téméraire pour moi. 

Je suis resté au rythme de 4’17 » au kilo qui me permettrait de continuer à gagner des secondes, sans franchir la ligne rouge de la crampe. 

Finalement,  je suis très content d’avoir écouté mon « corps », d’avoir trouvé un équilibre entre le physique et le mental, car avoir amélioré de 2 minutes mon objectif et avoir fait 5 minutes plus rapide que ma meilleure marque, je peux parler d’un plan  réussi et exécuté de la meilleure des façons.

Pour conclure, course maîtrisée du début à la fin, mon objectif de ne pas me prendre le « mur » a été atteint. 

Je peux accélérer une fois le mur contourné. 

J’ai pris beaucoup de plaisir, sans jamais me mettre vraiment dans le rouge. 

Évidemment qu’il y avait de la douleur et de la fatigue,  mais comment  tout coureur le sait : « la douleur est inévitable,  souffrir est optionnel « .

Pour ce marathon,  j’avais acheté le « pack » douleur sans souffrance. 😃

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