En introduction, je voudrais mentionner plusieurs découvertes faites aujourd’hui :
- Les courses (à taille humaine) avec un protocole sanitaire COVID19, c’est pas si terrible
- En trail, on planifie à l’avance ce qu’on prend à chaque ravitaillement pour ne pas avoir à le penser pendant la course.
- La couleur de l’urine peut virer au marron foncé
- Je sais pourquoi je n’ai pas été championne du monde de trail (non non ce n’est pas une typo)
Contexte
J’ai pris le départ du trail Rouge de l’EDF Cenis Tour (60km et 3400md+/d-) qui se déroule au moment où je suis en vacances en Haute Maurienne à Bessans. Cette année, j’ai pu m’entrainer 2 semaines sur place à 1700m d’altitude et je n’ai pas de problème d’acclimatation. Malgré l’arrivée récente d’Anouk et les nuits saccadées qu’elle nous impose, j’ai pu réaliser une préparation satisfaisante et j’ai plusieurs semaines à 85-90 kilomètres dans les jambes. Je n’ai pas fait de sorties au-delà de deux heures et j’ai misé sur plus de qualité.
Il faut tout d’abord avoir à l’esprit que c’est une course au cours de laquelle je n’ai jamais abandonné en 4 éditions, c’est trop rare pour être noté.
Chaque année le parcours change, il y a deux nouvelles montées inédites (dont une que j’ai repérée). Ça fait vraiment la différence de connaître des morceaux d’un parcours pour une course, peut être encore plus en trail.
Acte 1 : la dolce vita
4h45, je prends la voiture et je récupère au passage de covoitureurs. Je retire mon dossard, fais le tri dans mon sac trop chargé et hop, rendez vous sur la ligne de départ. Cette année, je ne prends pas de bâtons, je ne me suis pas entrainé avec, je les avais prêtés à ma maman pour ses randonnées. Elle me les a rendus mais en pensant à les prendre, je me suis dit : « es tu sérieusement en train d’envisager de partir avec des bâtons qui font des randonnées avec une master 6 ?? Ton passage prochain en Master 0 ne te suffit pas ??? »
6h du matin, le jour à peine levé, la course est lancée et nous réalisons le premier kilomètre avec un masque le temps que les distances soient créées. Ça part très vite, je me dis que le niveau est relevé, la course a attiré davantage de monde cette année. J’essaye de me situer je suis au contact des 3 premières féminines, ce qui constitue souvent mon niveau et me sert de point de repère. Presque tout le monde a des bâtons… ça monte régulièrement et petit à petit j’arrive à courir et à reprendre beaucoup de coureurs, je reviens au niveau de la première féminine et passe devant. Je connais ce tronçon et me sens bien mieux que lors d’un précédent passage, je cours bien dans les montées. J’ai même le temps d’observer les tenues des autres coureurs que je trouve bien mieux fagotés que moi. A ce moment-là, je me dis, t’as aucun style, mais t’as des jambes aujourd’hui. J’arrive au premier ravitaillement au col du Mont Cenis (12,8km, 1100d+) en 1h30 alors que j’avais prévu 1h40, mais sans m’être employé.
Deux petits lavages de mains et une séance d’essayage du masque plus tard, me voilà reparti de plus belle.
On monte ensuite au col de la Met (>2700m d’altitude) et je me sens toujours aussi bien, je cours pas mal de portions, et monte au train dans un petit groupe. J’arrive au sommet frais comme un gardon et là, je vois la descente… en plein dans les pistes de ski, pente de -20/-30% voire plus à certains passages. Je sens mes abdominaux comme jamais et mes cuisses me signifient que l’expérience n’est pas des plus agréables. J’essaye de me relâcher au maximum mais la pente est très forte
S’en suit un long sentier vallonné sur des balcons, il faut bien de regarder ses pieds mais j’ai l’impression que mon allure est très confortable tout en étant plus rapide que l’an passé. Je suis déjà tourné vers le ravito numéro 3 au niveau duquel je retrouverai ma famille qui m’attend.
Sur un passage avec des câbles pour descendre, le bénévole note mon adresse à l’exercice. Bon, il n’a pas vu la bonne gamelle quelques dizaines de mètres plus loin pour un pied qui butte sur un petit caillou de rien du tout. Ça me rappelle que je suis plus proche de la marmotte maladroite que du chamois virevoltant. J’ai un peu mal mais je pense déjà à la réaction très sobre de Paul qui va me voir quelques kilomètres plus loin : « Papa bobo là ». Je me dis qu’on va en entendre parler pendant les 3-4 jours que durera la cicatrisation et qu’un parent doit sans doute en passer par là pour ses enfants.
Sur cette partie, certains passages étaient très techniques, remplis de racines et de cailloux sur des singles très étroits, chacune de mes chevilles a tourné au moins deux fois, dont une plutôt franche, mais j’ai continué. Et dire qu’on fait tout un pataquès du rétablissement de Killian MBappé en quelques jours. Si le staff médical du PSG veut m’appeler, je suis là.
J’arrive à Bessans après 3h48 de course (pour 33km et 2100md+), j’avais tablé 3h45 sur mon plan de course. Le mec est quand même incroyable, il arrive à avoir moins de retard sur 3h45 de trail que pour arriver à l’entrainement…
Je m’arrête une petite dizaine de minutes et Paul m’occulte de près est très content. Puis la première féminine déboule, j’avais creusé un joli trou, je me dis alors qu’il est temps de repartir.
Après une portion de 5km de faux plat, il reste deux montées de plus 600 mètres chacune, que je connais.
Je cours sans problème et à bonne allure. Je suis plutôt frais est dans les temps pour mon objectif, entre 7h30 et 7h45.
Arrive alors la montée du refuge de Vallonbrun que j’ai déjà repérée deux fois ainsi que la descente. Je sais que je monte plus lentement que mes précédentes expéditions mais je suis dans les temps. J’ai la première féminine en ligne de mire. J’entends alors un souffle puissant 2 virages plus bas. Et là, surprise, Caroline Chaverot (championne du monde de trail 2016), dont c’est la course de reprise après plusieurs années de pépins physiques, qui remonte d’un pas très déterminé, en appuyant fort sur les bâtons. Je pensais qu’elle était plus loin que cela. Je presse le pas et me fixe pour objectif d’être au contact au sommet et dans la descente, ce n’est pas tous les jours qu’on peut courir avec une championne du monde. J’ai compris quand elle m’a doublé pourquoi je ne serais jamais championne du monde de trail malgré tous mes efforts… Elle sentait bon (la menthe ou la chlorophylle) après plus de 5h de course quand elle m’a passé alors qu’après 10 minutes d’échauffement on se demande si je suis plus proche de l’homme ou du putois.
Ce sera chose faite, j’arrive au ravitaillement du kilomètre 44 avec 30 secondes de retard. Courir derrière elle une dizaine de kilomètre était une super expérience ! Il me reste 2 heures pour 15km et 700m de dénivelé, je suis très bien.
Acte 2 : tout va mal
Contrairement à elle, je m’arrête 2 minutes au ravitaillement pour boire un peu, mais tellement obnubilé par le fait de rester au contact, j’oublie de remplir ma poche à eau… Erreur de concentration fatale pour la suite qui va me coûter de nombreuses minutes. Après un petit tronçon vallonné, j’attaque la dernière montée au refuge du Cuchet. J’ai la première féminine et Caroline Chaverot en ligne de mire, 2 ou 3 virages plus haut. Je me dis que je vais, en plus de ma course, assister à une super bataille, je suis aux premières loges. La montée est en plein soleil, la végétation basse, il y a peu d’air et on sent des thermiques de pentes très chaud qui rendent pénibles la thermorégulation. Le rythme cardiaque est élevé.
J’ai un passif avec cette montée, l’an passé j’y ai fait une grosse hypoglycémie. J’attaque le premier kilomètre déterminé et bien rassasié du précédent ravitaillement. Je monte bien, je suis très serein. Et là… je me saisis du tuyau de ma poche à eau pour boire, plus une goutte. Je positive en me disant que j’ai bien bu au ravitaillement précédent et que ça va aller. Mais non, le pas est toujours plus lourd, toujours plus lent, toujours moins puissant. Personne derrière à qui demander une gorgée. Je décide de monter, je sais qu’il y a un torrent sur le parcours, mais il est loin, très loin. Je me fais un petit peu doubler. Arrivé au torrent, terrible dilemme : « tu préfères : 1) une potentielle bonne chiasse les prochains jours ; 2) continuer à te déshydrater ? ». Après avoir constaté que mon urine était d’une teinte marron foncé que je ne suis connaissais pas, j’ai opté pour le choix 1. Et j’ai remis ça sur 2 ou 3 autres torrents. Le problème de l’hydratation réglé, vient son corollaire. Sans eau, impossible de m’alimenter pendant la montée, je suis donc en hypoglycémie et j’ai très mal au ventre. Je sais que mon objectif de temps ne sera pas tenu mais je relativise en me disant que je vais finir, avec une performance comparable à celle de l’an passé.
Je perds en lucidité et fais deux erreurs d’aiguillage qui me coûtent au total près de 500m et plusieurs places.
La descente est un supplice, il faut avoir des abdos en bétons mais avec mon mal de ventre, chaque foulée ressemble à un coup dans le ventre, mais je me contrains à maintenir un rythme de course. Après analyse, il se trouve que j’ai descendu relativement rapidement par rapport à d’autres, comme quoi il ne faut pas nécessairement se fier au ressenti du moment qui manque souvent d’objectivité.
Conclusion
Au final, je termine 28è sur 259 en 8h10. L’an passé je terminais 15è, reflet de l’élévation du niveau cette année. Je suis super content d’avoir pu recourir, retrouver les sentiers, l’excitation de la course, le combat contre soi même quand les évènements ne se déroulent pas comme prévu ! La course était très bien organisée, les règles sanitaires bien respectées et finalement peu pesantes.