« En 2014, neuf Parisiens sur dix ont été exposés à des niveaux élevés de dioxyde d’azote », alerte Amélie Fritz, ingénieure à Air Parif. Or, nous ventilons jusqu’à dix fois plus d’air en plein effort. « La
pollution fait diminuer l’espérance de vie des Parisiens de six mois en moyenne. Et il est probable que la pratique du sport en milieu pollué augmente les risques de pathologies respiratoires comme les cancers du poumon », estime le docteur Gilles Dixsaut, membre du comité stratégique de la Fondation du Souffle contre les maladies respiratoires.
Circonstance aggravante, quand ACF s’entraine sur les pistes des stades Alain Mimoun ou Léo Lagrange, les athlètes sont exposées à un niveau de pollution 3 fois supérieur au reste de la population parisienne. Si les concentrations en benzène s’estompent au bout de quelques mètres, les teneurs de dioxydes d’azotes ont une zone d’influence plus grande (environ 200 mètres). (Ref. RESPIRE LE PERIPH’ ! – Le blog des franciliens qui respirent le périph’).
Et pour ne pas arranger les choses, vous savez peut-être que le bénéfice d’une alternative de sortie au bois de Vincennes en cas de pic de pollution est illusoire car c’est souvent au bois de Vincennes
qu’en ces circonstances, le seuil de pollution à Paris est maximum…
Si, il y a quatre ans, j’ai personnellement fait le choix de déménager à près de 40 km de Paris, j’ai bien conscience que peu d’athlète ont la liberté de s’écarter de Paris ou de vivre en province pour
s’entraîner.
Cette contribution se veut complètement ouverte car je n’ai malheureusement pas les réponses. Je propose qu’à la fin de celle-ci vous preniez connaissance d’un petit questionnaire dont j’intégrerai le bilan des réponses dans le dossier sur les effets de la pollution intégré dans l’ouvrage qui paraîtra en janvier et regroupant en particulier les contributions présentées dans les bulletins hebdomadaires d’ACF.
En attendant, voici quelques infos de références extraites de la biblio sur le sujet.
1) Quels sont les différents polluants auxquels on est confrontés ?
Le monoxyde de carbone (CO)
Gaz incolore et inodore, provenant majoritairement du trafic routier sur le périphérique et qui se fixe sur l’hémoglobine à la place de l’oxygène. Un simple footing de 30 minutes dans cet environnement augmenterait le taux de CO sanguin de 10 fois par conséquence diminuerait l’apport d’oxygène aux muscles. Ok pour un footing mais quelles sont les conséquences à l’issue d’une séance de VMA ?
Les oxydes d’azote (NO et NO2)
Gaz rouges/brunâtres qui dérivent surtout des véhicules motorisés et un peu des industries. L’exposition à ces gaz peut provoquer des pathologies respiratoires avec pour symptôme des irritations et de la toux.
L’ozone (O3)
L’ozone se forme en présence de lumière et de soleil par réaction chimique entre le dioxyde d’azote et les hydrocarbures. L’exposition à l’ozone peut porter à des irritations des yeux, du nez et de la gorge jusqu’à même générer nausées et maux de tête.
Les particules en suspension
Mélange complexe entre des substances issues de sources naturelles (poussières par exemple) et d’autres issues de l’activité humaine (moteurs diesel, industries, etc) Elles sont responsables d’irritations oculaires et des voies respiratoires. De par leur diamètre réduit, ces fines particules pénètrent plus profondément dans les voies respiratoires et ont une incidence plus importante sur la
mortalité à court et long terme (3,5 millions de cas de problèmes cardiovasculaires et 220 000 cancers du poumon chaque année dans le monde).
Le dioxyde de soufre (SO2)
Il provient d’implantations de combustion comme les cheminées d’usine, les chauffages ou encore les pots d’échappement. Il provoque des irritations des yeux, des muqueuses et des bronches avec pour conséquence toux et essoufflement.
2) Quels sont les risques de la pollution pour l’homme ?
Les risques cardio-respiratoires
La pollution favorise l’apparition de symptômes tels que la toux, la rhinite, l’asthme. Une exposition chronique intensifie ces symptômes et peut entraîner des maladies pulmonaires obstructives
chroniques et même le cancer du poumon. C’est du moins la conclusion d’une étude européenne réalisée sur plus de 300 000 citoyens (Air pollution and lung cancer incidence in 17 European cohorts : prospective analyses from the European Study of Cohorts for Air Pollution Effects (ESCAPE) The Lancet Oncology, Volume 14, Issue 9, Pages 813 – 822, August 2013).
Les risques cardio-vasculaires
La pollution de l’air favoriserait une rigidification et une diminution du diamètre des artères augmentant ainsi les risques d’angine de poitrine, d’accidents vasculaires cérébraux (AVC), et d’infarctus du myocarde (jusqu’à 3 fois dans l’heure qui suit l’exposition à la pollution).
Les risques oculaires
La pollution de l’air peut diminuer l’action du système lacrymal dont le rôle est d’alimenter et refroidir la cornée. L’œil “sec” provoque une diminution de la netteté de la vision et favorise les agressions bactériennes.
Les risques cognitifs
Lors de leur étude (Subclinical Effects of Aerobic Training in Urban Environment. Med Sci Sports Exerc. 2012 Oct 15), Bos et al ont soumis un groupe de coureurs urbains et un groupe de coureurs en campagne à des tests cognitifs et ont pu mesurer que le premier groupe avait de moins bons résultats. Les chercheurs expliquent ce résultat par le fait que la pollution à laquelle sont soumis les
coureurs urbains favorise une inflammation cérébrale, responsable d’un déclin mental.
3) La pollution a-t-elle des effets sur nos performances sportives ?
Des chercheurs (Marr et Ely 2010) ont étudié les temps des 3 premiers hommes et femmes sur sept marathons aux États-Unis des 28 dernières années. Ils ont corrigé les effets de la température, de
l’humidité, et ont montré que le temps de course des femmes (pas celui des hommes) était corrélé avec le niveau de pollution aux particules en suspension (PM10). Pour chaque hausse de 10 microgrammes de PM10 par mètre cube d’air, la performance des femmes diminue de 1.4%. En effet, le système respiratoire des femmes serait plus sensible aux polluants présents dans l’air.
L’exposition à la pollution avant de faire du sport aurait également un impact sur la séance d’entraînement à venir. En effet, des chercheurs (Giles, Carlsten, et Koehle 2012) ont mis en évidence
une hausse du rythme cardiaque de 6 bpm en moyenne lorsque des cyclistes étaient exposés à la pollution (PM2.5 à 300 microgrammes par mètre cube d’air) pendant une heure avant de faire de
l’exercice. En revanche, malgré la hausse de fréquence cardiaque, la performance des cyclistes n’était pas affectée par l’exposition à la pollution avant exercice. Il faut noter que tous les cyclistes
étaient des hommes, les résultats auraient peut-être été différents avec des femmes, comme le suggère l’étude de Marr et Ely (2010).
4) Quelles sont les conséquences de la pratique du sport en milieu pollué ?
Nicolas Cherpeau s’est lui penché sur une question très intéressante : est-ce que les bienfaits du sport contrebalancent les méfaits de la pollution à long terme ? Ou aggrave-t-on les effets de la pollution en faisant du sport dans un air pollué ?
Pour essayer de répondre à ces questions, des chercheurs (Vieira et al. 2012) ont étudié deux groupes de souris pendant cinq semaines. Ils ont exposé les deux groupes de souris au même niveau
de pollution. Cependant, un des groupes de souris faisait de l’exercice cinq fois par semaine, alors que l’autre groupe ne faisait aucun exercice. Quels résultats ont-ils obtenu ? Sans surprise, le groupe qui ne faisait pas d’exercice montrait des signes d’irritation des poumons et de stress oxydatif dû à la présence de radicaux libres. En revanche, le groupe de souris « sportives » ne montrait pas ces signes d’altération. À long terme, le sport permettrait donc de contrebalancer les méfaits de la pollution, notamment en renforçant les capacités du corps à se protéger contre les radicaux libres. Ce qui est un résultat encourageant… sur le modèle animal.
Dans une autre étude (de Hartog et al. 2010), des chercheurs ont essayé d’estimer les changements, en termes d’espérance de vie, si 500 000 personnes au Pays-Bas laissaient de côté leur voiture au profit de leur vélo dans les trajets courts au quotidien. Ils ont estimé qu’en moyenne, pour les personnes passant de la voiture au vélo, l’espérance de vie serait réduite de 0,8 à 40 jours à cause de
la pollution de l’air (le cycliste est moins exposé mais ventile davantage), et de 5 à 9 jours à cause des accidents. En revanche, le gain dû à ce surplus d’activité physique serait de 3 à 14 mois.
Ici aussi, comme le souligne Nicolas Cherpeau les bienfaits du sport dépasseraient les risques liés à l’activité physique dans un air pollué. C’est donc une autre bonne nouvelle !
5) Inquiétude à long termes
Voici deux exemples, mais il y en a bien d’autres dans la biblio !
Infertilité
La pollution serait l’une des principales causes de stérilité masculine. Même à faibles doses, les nombreux polluants auxquels les hommes sont exposés quotidiennement ont un impact direct sur la qualité et la quantité des spermatozoïdes. Les scientifiques s’accordent à dire que la pollution constitue un facteur de risque d’infertilité au sein d’un couple.… Les sources de toxicité sont présentes partout dans l’environnement et nuisent à la productivité des spermatozoïdes.
Comment la pollution accroit-elle les risques de stérilité masculine ?
De nombreuses études ont démontré que l’exposition à certains polluants peut avoir un impact direct sur la mobilité des spermatozoïdes, sans savoir exactement dans quelles proportions. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que ces produits à fort pouvoir toxique sont susceptibles d’agir comme des perturbateurs endocriniens. Ainsi, ces molécules sont connues pour mimer ou bloquer l’activité
hormonale essentielle notamment dans le cadre de la conception. À ce titre, les autorités sanitaires recommandent aux futures mamans de limiter le plus possible les expositions à des substances chimiques au cours de la grossesse ainsi que pendant la petite- enfance. Les périodes de forte croissance constituent des étapes clés qui ont une incidence sur la fertilité future.
Cancer
Il ressort que les microparticules de moins de 10 µm de diamètre (PM10) sont statistiquement associées à une augmentation des risques de développer des tumeurs. Pour chaque élévation de 10
µg/m3 dans l’air ambiant, la probabilité de déclencher un cancer du poumon s’accroît de 22 %. Pour les particules plus fines, de moins de 2,5 µm de diamètre (PM2,5), pour chaque augmentation de 5 µg/m3, les chiffres pourraient laisser croire à une augmentation de 18 % du risque de cancer. Mais ces données ne sont pas validées par les statistiques. Autrement dit, on ne peut conclure à un lien
entre les PM2,5 et le cancer du poumon.
En revanche, les deux types de particules fines sont fortement corrélés au risque d’adénocarcinome pulmonaire, la forme la plus courante de cancer du poumon. Pour les PM10, la probabilité s’accroît de 51 % chaque fois que les concentrations augmentent de 10 µg/m3. Pour les PM2,5, ce chiffre s’élève à 55 % pour chaque incrémentation de 5 µg/m3.
Etude du centre de recherche de la Société danoise du cancer, dirigés par Ole Raaschou-Nielsen, publié dans la revue britannique The Lancet Oncology.
Christian Rebollo