En trail, la descente des pierriers et des éboulis est un passage quasi obligé. On ne peut, pour autant, pas les aborder sans certaines précautions et sans une posture spécifique sous peine d’être trop
ralenti, de se blesser ou de se fatiguer. Je vous propose d’abord de faire le point sur les conseils classique sur la meilleure façon d’aborder une descente en trail puis de vous faire part de conseils
d’expérience.
1er commandement : la préparation (entraînement)
On dit qu’un trail se gagne en montée et se perd… en descente. Il s’agit là d’un exercice difficile auquel il faut se préparer. Il faut savoir que les descentes causent plus des courbatures, bien plus que la montée parce qu’elles sollicitent fortement les muscles des cuisses qui travaillent en excentrique : le muscle sert alors à ralentir le mouvement d’extension des jambes. Quant à l’absence de préparation physique et particulièrement de gainage, il peut être traumatisant pour le dos. Dès lors, pour limiter la fatigue musculaire et le tassement des vertèbres, un entraînement spécifique et l’expérience de « petits » trails en prévision d’un trail difficile et à fort dénivelé sont recommandés.
Sans rentrez ici dans les détails, il est nécessaire :
– De travailler le renforcement musculaire pour bien descendre en trail,
– D’effectuer un travail pliométrique (quadriceps et ischio-jambiers) comme les foulées bondissantes, les sauts à 180°C, le Skater Jump et le Box Jump,
– D’effectuer des exercices plus spécifiques mêlant excentrique * et concentrique *,
– De s’entraîner sur tout type de pente : variez les pourcentages et la technicité.
* Pliez et dépliez les jambes en l’air puis atterrissez sur la pointe comme les squats sautés ou le skipping sur marches ou bien travail spécifique excentrique des ischio jambiers en étant allongé sur le dos (on ramène ses pieds en pliant ses genoux puis on lève son bassin).
2ème commandement : l’échauffement (le jour J)
L’échauffement est similaire à un semi mais avec trois dimensions supplémentaires. En plus de l’échauffement classique :
– Effectuer un footing très lent ce qui permet en particulier de charger en sang la voute plantaire et éviter en particulier une aponévrosite plantaire en cas de départ d’une épreuve sur un sol chaotique,
– Effectuer quelques longueurs sur différents dénivelés en anticipant celui de départ : une montée ou une descente,
– Échauffer, travailler les articulations et étirer vos chevilles pour limiter les conséquences d’une torsion de cheville.
3ème commandement : y aller franchement !
Se retenir dans la descente engendre une crispation qui, non seulement ralentit l’allure mais, en plus a tendance à entraîner des chutes dommageables sur les poignées ou/et sur les fesses.
Il vaut mieux se basculer légèrement en avant et s’engager franchement dans la descente. En adoptant cette posture, le centre de gravité se trouve quasiment au-dessus de notre point d’appui. Cela évite les chutes arrière car le centre gravité est devant soi.
4ème commandement : anticiper la bonne trajectoire.
Se polariser sur les quelques mètres, devant soi et corriger en permanence sa trajectoire est énergivore et contre performant. Dans une descente, il vaut mieux embrasser tout le champ de vision qui est assez large et déterminer la meilleure trajectoire. Cette tactique permet d’anticiper une série d’obstacles et de régler son allure en fonction des difficultés.
5ème commandement : utiliser correctement ses bras.
Il faut oublier les consignes de circonstance lors des séances de VMA. Dans les descentes, les bras ont essentiellement un rôle stabilisateur. Ils doivent être écartés du tronc et ne pas épouser automatiquement le rythme de la foulée.
Alors que dans les passages « plats », les bras doivent être relâchés au maximum avec un balancement limité et dans les montées, ils doivent être utilisées essentiellement dans leurs fonctions
stabilisatrices *.
* Sauf en cas de fatigue ou de difficultés où ils peuvent être utilisés, au moins ponctuellement, de manière dynamique avec les coudes repliés.
6ème commandement : la technique des appuis brûlants.
Il faut imaginer traverser pied nu quelques mètres d’un tapis de cendre. Instinctivement, on irait le plus vite possible sans marquer ses appuis. Il faut garder cette image lors d’une descente sur un sol
instable ou caillouteux. Sur ce type de terrain des appuis francs peuvent engendrer le pied qui glisse comme sur un paquet de billes ou bien un retournement du pied.
A l’inverse, l’objectif ici est de rebondir souplement dès que le plat du pied touche le sol et de limiter ainsi le temps de contact au sol. Naturellement, il faut est prudent en déterminant une vitesse de
descente raisonnable permettant de s’arrêter d’une manière ou d’une autre en cas de danger.
En d’autres termes, la pose des pieds doit être dynamique. Ainsi, si un appui glisse, l’autre pied rattraper très vite se déséquilibre. On exécute cette technique avec les bras de l’équilibriste.
7ème commandement : la technique du double pas latéral.
Un des risques lors d’une descente vertigineuse est de ne plus pouvoir s’arrêter face à un danger. Or il existe une technique pour cela : la technique du double pas latéral que l’on utilise pour stabiliser sa descente. Cela provoque un coup de frein dans la descente pour s’arrêter immédiatement ou en cas de déséquilibre de rebondir vers un second appui plus stable.
8ème commandement : prendre appui en hauteur.
Quels que soient les conditions en descente, il est préférable de poser son pied sur les parties les plus hautes des reliefs du sol ; cela limite les risques de torsions.
Expérience personnelle
Les conseils précédents sont assez standards, cependant cette contribution serait moins complète si le thème de la descente n’était pas abordé sous un autre angle, celui des débutants. Et pour cela je crois utile de vous faire part d’une expérience personnelle.
Dans les années 1980, j’effectue une épreuve de distance assez moyenne (une vingtaine de kilomètres) en montagne dans les Alpes (près d’Allos) mais avec un fort dénivelé. Parmi les participants, peu nombreux à l’époque pour ce type d’épreuves, un fort contingent de chasseurs alpins.
Dès le départ, je me porte à leur niveau et m’engage à leurs côtés sur une dizaine de kilomètres sans les lâcher. Sauf, qu’arrivés à un sommet, nous faisons face à un rebord de falaise et je vois le groupe des chasseurs se lancer comme un seul homme dans une descente vertigineuse sans effectuer comme moi de temps d’arrêt. Je m’y engage à mon tour assez laborieusement en me laissant
largement distancer par le groupe, pour ne jamais les revoir avant l’arrivée. J’en ai tiré quelques enseignements.
Premièrement, il y a des profils de « descendeur », comme en cyclisme.
Deuxièmement, il y a des physiques d’athlètes : petits, trapus, centre de gravité bas (petites jambes musclées) qui sont physiquement avantagés pour ce genre d’exercices.
Troisièmement, les débutants ou les « mauvais » descendeurs, comme moi, peuvent malgré tout s’améliorer dans ces circonstances.
C’est ce que nous allons voir maintenant avec quelques conseils complémentaires :
– Comment débuter ? Quand on est débutant il est préférable de tester les descentes de trail en commençant par des pentes de faibles dénivelés. Ensuite on peut aborder des pentes plus difficiles à sol ferme avant de s’engager enfin sur des descentes instables ou caillouteuses. Avec le temps, le corps s’habitue à cette pratique avec une adaptation physique et physiologique et… on a moins peur. Et finalement, après plusieurs semaines, les automatismes se mettent en place.
– Se détendre : se crisper par peur a tendance à nous bloquer verticalement en misant tout par l’accroche sur les talons. Alors qu’en étant relâché, on peut mieux se concentrer sur les difficultés et s’équilibrer pour adopter une posture de descente plus efficace.
– S’entraîner dans les descentes : comme pour tout profil d’épreuve, il est possible de s’entraîner dans les descentes, à commencer par les escaliers ou le fartlek en « jouant » ensuite séparément sur tous les paramètres : vitesse, amplitude, relâchement, relance, etc.
– Quelques petits « trucs » :
. Choisissez bien vos chaussures,
. Porter des chaussures avec une pointure de plus, *
. Coupez-vous bien les ongles,
. Quand vous descendez, prenez vos virages vers l’extérieur, Dans les descentes faciles contrôlez votre allure en jouant essentiellement sur l’amplitude de la foulée,
. Méfiez-vous des pièges du sol comme un surface de sable fin qui recouvre une pointe de rocher ou un tapis de feuilles morte qui recouvre une ornière sèche,
. Courir avec des mitaines molletonnées qui permettent de limiter les blessures sur la paume des mains en cas de chute…
* Cette option n’est pas partagée par tous. Par exemple, Christian Paquet (qui a corrigé cette contribution) préfère adopter des chaussures justes à sa taille quelle que soit la difficulté du trail. Ce qui est prépondérant pour lui, c’est que les chaussures tiennent bien aux pieds et qu’en particulier le talon ne glisse pas sinon on perd beaucoup de sensations et on risque de se fouler la cheville ou de tomber.
Christian Rebollo