De manière théorique, notre poids de forme s’établit au terme de notre croissance, vers 21 ans. Puis le métabolisme change, notre poids de forme évolue au fil des années et généralement, on prend
quelques kilos en vieillissant. Et, même si on gardait le même poids toute sa vie, on n’aurait pas la même silhouette à 40/60 ans qu’à 20 ans, car la répartition dans le corps des masses grasses et
musculaires se modifie au fil des ans.
L’important est de trouver à chaque âge son poids de forme car il ne faut pas confondre la silhouette qui nous va bien, le poids dont on rêve avec le poids de forme athlétique.
L’objet de cette contribution n’est certainement pas de donner des conseils pour atteindre le poids « rêvé ». C’est sans doute l’un des thèmes les plus traités dans des publications de toute nature et je
ne me sens ni compétent, ni intéressé par le sujet pour en rajouter…
La notion de poids est infiniment complexe car entre en jeu un nombre important de paramètres génétiques, morphologiques, physiologiques, diététiques, culturelles et de modes de vie : sédentaire
ou actif.
Ici, ne seront abordés que des paramètres simples découlant strictement de l’entrainement d’athlétisme dans la catégorie hors stade amateur, sachant que l’athlétisme de haut niveau (avec des
contraintes beaucoup plus drastiques) se traiterait différemment. Comme il est impossible d’aborder cette question du « (sur)poids » en 3/4 pages, nous allons la traiter en plusieurs parties à partir de points fondamentaux : le métabolisme énergétique, la diététique, l’entraînement, …
Cette première contribution concernera le métabolisme énergétique à l’effort, qui influence directement la prise ou la diminution du poids dans différentes situation.
Le métabolisme énergétique à l’effort
Il est en effet impossible de parler de poids du sportif sans aborder en premier lieu le métabolisme énergétique à l’effort. La gestion de l’énergie est essentielle pour le sportif car elle influence directement le niveau de performance. Et sur ce plan, le paramètre le plus important est le maintien d’un niveau de glycogène musculaire et hépatique suffisant.
Les substrats glucidiques représentent la part principale des substrats utilisés par le muscle lors des efforts intenses. Le niveau d’utilisation des glucides dépend de deux principaux facteurs qui sont
l’intensité et la durée de l’exercice physique. L’activité intense met en jeu de façon prépondérante le métabolisme des glucides, tandis que l’activité moins rapide et de longue durée engage
principalement le métabolisme des graisses *.
Les réserves de glycogène musculaire sont-elles identiques entre tous les athlètes ?
Absolument pas : elles varient d’un individu à l’autre et dépendent en particulier du sexe, de la masse musculaire et du degré d’entraînement. Le pourcentage varie de 1-1,5% de la masse musculaire chez le sédentaire à plus de 4% chez le sportif très entraîné et ayant subi un régime spécifique (Costill et coll., 1981).
Philippe Baudoin (Sport Passion – Conseils et entraînement du sportif) rapporte des indications très précises sur le rapport masse musculaire/réserve de glycogène chez un sédentaire et un sportif.
Sachant que la masse musculaire représente en moyenne environ 35% du poids corporel chez l’homme et 28% chez la femme, les réserves de glycogène musculaire s’échelonnent entre 250 grammes (sédentaire) et plus de 1 kilo (athlète) chez un homme de 70 kilos (170 grammes et 700 grammes chez une femme de 60 kilos).
* Définition : qu’est-ce que la graisse ?
La graisse est le nom connu des lipides qui sont des macronutriments. Les lipides sont composés d’acides gras se regroupant en plusieurs catégories : les acides gras saturés, les acides gras mono- insaturés et les acides gras polyinsaturés. Quant aux triglycériques, ce sont des esters du glycérol contenant trois molécules d’acides gras.
Tableau récapitulatif :
Masse musculaire | Glycogène musculaire (%) |
Glycogène (g) | Kcal | |
Homme 70 kg sédentaire | 35% | 1-1,5% | 245-370 | 1100-1480 |
Homme 70 kg moyennement entraîné |
35% | 3,5 % | 860 | 3430 |
Homme athlète + régime spécifique |
35% | >4% | >980 | >3900 |
Femme 60 kg sédentaire | 28% | 1-1,5% | 168-250 | 670-1000 |
Femme 60 kg moyennement entraînée |
28% | 3,5 % | 590 | 2360 |
Femme athlète + régime spécifique |
28% | >4% | >670 | >2680 |
(*) On suppose que la masse musculaire est constante. Elle peut augmenter selon le type d’activité (sprint, foot, natation, etc.).
Dans le corps humain adulte, la répartition moyenne des réserves énergétiques globales est la suivante :
80 à 100 g de glycogène hépatique
200 à 1000 g de glycogène musculaire
15 g de glucose sanguin
300 g de triglycérides musculaires
5 à 20 kg de triglycériques
En combien de temps on épuise sa réserve de glycogène ? L’épuisement ** du glycogène musculaire survient :
– après 40 min d’exercice à 95 % de sa VO2 max
– après 60 min d’exercice à 85 % de sa VO2 max
– après 90 min d’exercice à 75 % de sa VO2 max
– après 4h à 55 % de sa VO2 max
** jamais complet
Quelques remarques sur le glycogène :
– Des études (Greiwe et coll. 1999) ont montré qu’un sportif d’endurance entraîné, comparé à un sédentaire, accroît sa capacité à stocker du glycogène musculaire après avoir (presque) vidé ses réserves pendant l’exercice.
– L’entraînement permet d’augmenter de 20 à 50% les capacités de stockage du glycogène musculaire. Associé à une diététique adaptée, cette capacité peut être augmentée de manière significative par une action qui sera développé ultérieurement et qui se nomme « phénomène de surcompensation ». Dans le tableau, nous voyons que la réserve de glycogène est en moyenne de moins de 400 grammes chez un sédentaire mais elle peut atteindre un kilo chez un athlète bien entraîné.
– Le glycogène musculaire est métabolisé avant le glycogène hépatique.
Et les lipides ?
Par rapport au glycogène, les réserves de lipides paraissent illimitées (en moyenne 15% de la masse chez un homme, 25% chez une femme). Sur le strict plan énergétique et d’un point de vue théorique, elles permettraient à un athlète de courir sans discontinuer durant plusieurs semaines…
En outre, quand les réserves de glycogène hépatique sont trop sollicitées, le foie possède encore la capacité de fabriquer du glucose à partir de certains acides aminés, à partir des lactates et à partir du glycérol qui est un dérivé des graisses. C’est la gluconéogenèse. C’est un processus que l’entraînement et l’expérience des compétitions permet de réguler pour limiter les effets du mur du
marathonien. L’endurance et en particulier les sorties longues permettent de favoriser l’utilisation des graisses mais de manière toute relative :
– à l’issue d’un marathon on perd entre 100 et 300 g d’acide gras
– à l’issue d’un 100 km, on perd entre 400 et 800 g d’acide gras
Quelles conséquences pour les compétitions ?
– un athlète de haut niveau (30’ au 10km) n’utilisera que des sucres sur cette distance (principalement du glycogène musculaire et en faible quantité : du glycogène hépatique et du glucose circulant dans le sang).
– un athlète de faible niveau de VMA (1h15 au 10 km) utilisera des sucres et des acides gras.
Sur du « long », on peut déduire :
– qu’un athlète en 2h30 au marathon a tout intérêt à optimiser essentiellement ses réserves de glycogène.
– alors qu’un athlète « moyen » en 4h15 *** au marathon à tout intérêt à optimiser (par des sorties longues) essentiellement ses réserves de d’acides gras (graisse).
*** niveau moyen de performance au marathon de Paris
L’optimisation du métabolisme énergétique à l’effort
Celui-ci présente de nombreux avantages :
– L’entraînement (et l’augmentation de notre VO2max) permet à terme de consommer moins d’énergie pour un même effort.
– à dépense d’énergie égale la VS augmente lors d’une compétition
– à intensité égale, la confrontation au mur du marathon est repoussée
– pour un même effort sur du long, un sportif entraîné puisera davantage dans les graisses qu’un sportif peu entraîné et économisera ainsi son glycogène (Karlsson, Nordesjo et all., 1974, Henriksson 1977, Kiens et Richter, 1993).
Remarques
Concernant le stockage du glycogène :
La réussite d’une épreuve de compétition dépend en particulier de sa manière de gérer son stock de glycogène. Par une alimentation adaptée au moment opportun, on peut optimiser ce stockage.
Concernant l’hydratation
Des bons stocks en glycogène sont corrélés positivement avec une bonne hydratation : minimum 2 litres ! E, effet, 1g de glycogène est stocké avec environ 3 g d’eau.
En matière de nutrition
– Nicolas Aubineau, diététicien nutritionniste du sport et en clinique, précise que la consommation de glucides après un effort est importante. Elle participe directement à la resynthèse des stocks de glycogène. En pratique, un apport de glucose et fructose est conseillé. Le glucose servant majoritairement à la resynthèse du glycogène musculaire, le fructose davantage à la resynthèse du glycogène hépatique. Ces stocks de glycogène reconstitués de manière optimale permettront de récupérer plus rapidement afin d’augmenter le rendement à l’effort tout au long de la saison.
– Les boissons de l’effort musculaire servent prioritairement à éviter l’hypoglycémie et non à dynamiser la contraction musculaire puisqu’elles sont dans l’incapacité à compenser l’épuisement de réserves intramusculaires de glycogène.
Conclusion
Toute cette contribution est peut-être fastidieuse à la lecture mais elle montre au moins une chose : la formule « le sport fait perdre du poids » est inexacte, en particulier à cause du rôle du glycogène dans le métabolisme de l’effort. Proposons une démonstration plus simple :
En moyenne, une personne peu sportive va devoir faire de l’exercice à moyenne intensité pendant 30 à 40 minutes pour « épuiser » ses réserves de glycogène et commencer à bruler des graisses.
Cela signifie que si elle court une heure, elle ne brulera les graisses que pendant 20 minutes ! En 24h (et sans régime spécial) le stock de glycogène, d’acide gras et d’eau est reconstitué.
Alors, est-ce que faire du sport ne sert à rien pour perdre du surpoids ? Si, mais c’est sur la durée qu’on peut observer une diminution visible de la masse grasse Au niveau sportif, certaines pratiques favorisent la perte du surpoids :
– la nature de l’entraînement : il est préférable de travailler toutes les allures et de solliciter toutes les fibres musculaires.
– le volume et la fréquence des entrainements : avec 3 ou 4 entraînements par semaine (en fonction du volume), le poids de l’athlète se stabilise.
– Avec l’entraînement, notre organisme devient plus efficace dans le métabolisme des graisses, augmentant le pourcentage de lipides consommés pour une même fréquence cardiaque. Ainsi, plus
on s’entraîne, plus il est facile de perdre des graisses.
– après plusieurs mois d’entraînement, l’architecture musculaire s’adapte à la pratique sportive et le corps se modifie et la silhouette s’affine (avec une diminution visible de la masse grasse).
Enfin, il est toujours constaté qu’un athlète bien entraîné se nourrit moins et mieux qu’une personne sédentaire. Une action diététique appropriée sur un athlète bien entraîné est beaucoup plus efficace que sur un sédentaire pour perdre du surpoids.
Christian Rebollo