Combien de fois n’a-t-on pas assisté sur la piste au « spectacle » d’une fin de série de 30/30, avec des athlètes totalement essoufflés, épuisés et quelques fois effondrés sur le sol, néanmoins, fiers
d’avoir donné le maximum… alors que ce n’est pas ce qui était demandé, ni même souhaité ?
Une fois n’est pas coutume, je vous invite à prendre connaissance de l’intégralité * d’un article de Rodolphe Bier dans Jogging International qui aborde ce sujet et dont je partage totalement l’analyse. Je prolonge cet article par une analyse personnelle qui complète le propos.
Faire une séance de 30/30, ça paraît simple, dit comme cela : 30 secondes vite, 30 secondes lentement, et on recommence. Pourtant, ce fractionné est souvent maltraité par les coureurs. Petit guide pratique de ce classique de l’entraînement.
La séance de 30/30 a pour objectif le développement de votre vitesse maximale aérobie (VMA) en alternant 30 secondes à vitesse rapide et 30 secondes de récupération, donc lentes. Cette VMA est
la plus petite vitesse que vous atteignez lorsque vous êtes au maximum de vos capacités cardiopulmonaires, soit le moment où vous avez atteint votre pic de consommation de dioxygène (appelé VO2max). En la développant, vous pourrez courir plus vite pour un même niveau d’effort.
Les pièges du 30/30
La principale erreur est de réaliser les 30 s rapides… trop rapidement. Sur de courtes distances, tout le monde, ou presque, peut exprimer tout son potentiel de vitesse, mais dans ce cas, il s’agit d’un
véritable sprint (anaérobie alactique) qui ne pourra pas être renouvelé plus d’une ou deux fois de suite. Et même si vous vous contrôlez un peu plus, courir sur un rythme légèrement supérieur à ce
qu’il faudrait fera que, très souvent, vous pourrez réaliser une série de six à huit 30/30, mais ne serez pas en mesure d’en faire une seconde de façon satisfaisante. A contrario, d’autres coureurs adoptent une allure trop confortable, en deçà de leur VMA : ils achèvent leur séance sans difficulté, mais ne bénéficient pas des effets escomptés. Le secret d’une séance de 30/30 réussie résulte donc du choix de la bonne allure. Mais comment la déterminer ?
Le chrono
Le premier écueil à éviter est de se référer à la fréquence cardiaque (FC). Lors d’un effort de 30 secondes, du fait de l’inertie cardiaque, votre FC ne montera pas aussi rapidement que votre vitesse de course et vous pourrez même constater que votre cœur continuera à accélérer lors des 30 secondes de récupération. Exit, donc, le cardiofréquencemètre. Il vous reste alors trois possibilités pour maîtriser votre allure :
– L’expérience : les coureurs qui ont des années de pratique adoptent intuitivement la bonne allure. C’est là le fruit d’une parfaite interprétation des sensations à l’effort.
– Le pragmatisme : les conseils de « bon sens » que l’on donnait déjà voilà quelques décennies ne sont pas devenus obsolètes aujourd’hui et vous devez être capable de faire les dernières accélérations aussi vite que les premières, tout en ayant l’impression, à la fin, de pouvoir encore réaliser une ou deux fractions.
– Faire un test pour calculer son allure de course : pour que la séance soit profitable, il faut que les 30 s rapides soient courus à 100 % de votre VMA. Pour connaître votre VMA, vous pouvez
réaliser un test d’effort en laboratoire ou faire un test de terrain (VAMEVAL, Léger-Boucher, test de Brue, CAT Test…). Si vous n’avez pas d’entraîneur, vous pouvez faire un 1 000 m (si vous êtes débutant) ou un 2 000 m (si vous êtes expérimenté) le plus rapidement possible. Relevez votre temps de passage à la mi-course (500 ou 1 000 m) et, si vous constatez que votre allure s’effondre lors de la seconde partie du test, recommencez ce dernier en partant moins vite. L’allure du test sera alors l’allure à adopter pour vos 30/30. Exemple : dans le cas d’un 1 000 m réalisé en 4 minutes, les 30 s rapides seront courus à 15 km/h.
La distance
Pour être encore plus précis, il est possible de réaliser votre séance sur une piste ou un parcours plat étalonné. Dans ce cas, vous pourrez repérer de façon très précise la distance à couvrir lors des 30 s rapides. Pour cela, divisez votre VMA par 3,6. Vous obtenez alors une vitesse en mètres par seconde (m/s). Il ne vous reste plus qu’à multiplier cette vitesse par 30 pour connaître votre distance de
référence. Si l’on reprend notre exemple à 15 km/h : 15/3,6 = 4,16. 4,16 x 30 = 124,8. Soit, pour notre coureur, environ 125 m à parcourir pendant ses 30 s rapides. Faire une ou deux séances avec des références précises peut permettre de mémoriser le bon tempo pour de futures séances sur des parcours plus ludiques, où vos sensations et votre expérience seront vos guides.
Comment réaliser votre séance ?
Vous devez toujours vous lancer dans un état de fraîcheur physique, ce qui implique de ne pas faire de sortie longue ou intense 48 heures avant. À la suite de cette séance, vous programmerez
uniquement un footing en endurance (75-78 % de FCM) compris entre 45 minutes et 1 h. Elle sera précédée d’un échauffement de 20 à 30 minutes ponctuées de quelques exercices sur 30 m du type
talons-fesses et montées de genoux de faible amplitude, puis de deux accélérations sur 10 secondes. 10 minutes en endurance clôtureront la sortie et vous éviterez, ce jour-là, de vous étirer.
Analyse personnelle complémentaire
Partons des principes fondamentaux. Comme vous les savez, améliorer sa VMA permet d’augmenter son débit d’oxygène susceptible d’être utilisé par le muscle, ce qui aide à courir plus vite plus
longtemps. Dans le travail sur piste pour améliorer sa VMA, il y a donc une la notion de performance.
Parmi les différentes techniques pour améliorer sa VMA, le 30/30 est devenu dans les années 2000 l’un des entraînements de référence. Pourquoi ? Parce que Véronique Billat, en particulier, a montré que ce type de séance est efficace car il permet à un coureur de maintenir sa VO2max plus longtemps que s’il effectuait une séance de VMA en continue.
Une séance de 30/30 présente de nombreux avantages pour l’athlète et l’entraîneur car :
– Elle est facile à organiser
– Elle est moins dure que d’autres séances de VMA
– Elle est appréciée par les athlètes
Ce type de séance est utile pour tout le monde :
– Pour le coureur de loisir sans objectif de compétition, cela permet une plus diverse sollicitation musculaire et un meilleur travail cardiovasculaire et pulmonaire.
– Pour le coureur de demi-fond : Rappelons que l’entraînement de demi-fond consiste à travailler 3 filières énergétiques qui fonctionnent en même temps en permanence mais deviennent dominantes, chacune à un moment donné, en fonction du type d’effort qui est demandé. Il s’agit des métabolismes : anaérobie alactique, anaérobie lactique et aérobie, sachant que la filière anaérobie intervient d’autant plus que la distance est courte (par exemple, à 60% pour des 800m et à 5% pour des 10 km.)
Les séances de 30/30 sont donc un excellent exercice pour travailler les filières anaérobies (majoritairement sollicitées) et aérobie.
– Pour le coureur de fond qui veut augmenter ses performances, car la relation VMA/performance est établie. Dans un groupe d’athlètes en compétition, celui qui a une VMA de 15 km/h ne battra pas celui qui en une de 18 km/h sur un 10 km par exemple. Naturellement, ce critère doit être corrélé avec d’autres paramètres tactiques, physiologiques, biomécaniques, etc.
En outre, les séances de 30/30 habituent le corps aux changements de rythme lors des épreuves (montées et descentes) ou à soutenir ponctuellement un effort supérieur à la vitesse moyenne de l’épreuve.
– Pour le coureur de grand-fond, les séances de VMA permettent d’améliorer :
– – les capacités d’adaptation à l’effort à certains moments. Par exemple : l’aisance gestuelle sera plus grande (allongement de la foulée en descente, placement des bras en montée, réduction
de la foulée en côte, travail de pied selon la configuration du terrain).
— le recrutement d’un plus grand nombre de fibres musculaires d’un même muscle à l’effort quand le terrain le nécessite (côtes, descentes, changement de direction, etc.)
Mais Rodolphe Bier montre qu’une séance de 30/30 mal effectuée et inopportune dans un programme de compétition est contreproductive.
Réexaminons les différents cas
Effectuer les séances de VMA en surrégime
Si vous effectuer des séances à 105-110%VMA, vous basculez dans un travail de type anaérobie lactique. C’est un travail qui s’adresse aux coureurs de demi-fond. Il peut être intéressant de l’effectuer en phase préparatoire de compétition de fond, mais uniquement en début de phase de développement général pour retrouver de la vitesse et pas après.
En outre, s’entraîner durablement en surrégime est épuisant et bloque la progression. Un entraineur a écrit fort justement : je récupère mieux, donc je peux m’entraîner plus, donc je progresse
davantage.
Effectuer trop de séances de 30/30
Si on effectue trop de séances de 30/30 au détriment des autres travaux d’allure, on ne progresse qu’en vitesse sur le court. Mais il ne suffit pas d’augmenter sa VMA pour améliorer son chrono, par
exemple sur 10km. Il faut ensuite maintenir le plus grand pourcentage de cette VMA lors de l’épreuve. C’est pourquoi il est important de travailler l’ensemble des allures : endurance fondamentale, travail à 90 % de VMA, VS, séances au seuil, etc.
Effectuer des séances de 30/30 toute l’année
Dans le dernier chapitre de son article, Rodolphe Bier écrit fort justement : un cycle de sept semaines devrait vous permettre de gagner en VMA sans risque de blessures ni de surentraînement. Notez que les séances du type 30/30 ne doivent pas être réalisées tout au long de l’année, mais à l’occasion de cycles de sept semaines et à distance de toute préparation spécifique. Il serait tout à fait contre- productif de mélanger un cycle complet de 30/30 et une prépa marathon ou trail.
Effectuer trop de séances de 30/30 dans les préparations marathon
Combien d’athlètes de tout niveau ne comprennent pas les raisons de leurs contre-performances au marathon alors qu’ils avaient atteint lors premiers objectifs lors d’épreuves du 5 au semi-marathon ?
Le développement trop prolongé du « moteur anaérobie lactique » n’est pas adapté en particulier au marathon, sur lequel l’endurance des fibres musculaires, tout comme « l’économie d’énergie », sont
absolument capitaux, d’autant que la filière anaérobie est très dispendieuse en glycogène. Ce facteur est aggravé pour les athlètes de VMA « moyenne ». Il a été prouvé que les athlètes de forte VMA ont un système aérobie qui « démarre très vite » tandis que les coureurs de moins bon niveau ont une plus mauvaise cinétique de VO2, c’est à dire qu’ils solliciteront plus leur système anaérobie en début d’effort et lors des changements de rythmes.
Conclusion
Les séances de 30/30 sont excellentes si elles sont effectuées correctement et à des périodes opportunes dans un plan d’entrainement. Elles peuvent être totalement contreproductives dans d’autres cas.
L’important est la régularité des séries. Dès lors, il est inutile et surtout impossible de trouver le bon tempo dans les deux premiers enchaînements où il faut aller un peu moins vite. On se stabilise à
compter du 3ème. Le nombre de répétitions dépend de votre profil et de votre niveau d’entraînement. Le nombre de répétitions devra être augmenté progressivement sur un cycle global de 4 à 7 semaines.
Enfin, plusieurs études récentes semblent montrer que du fractionné « long » de type « Kenyan (travail d’allures crescendo) ou au « seuil » permettent de meilleurs gains sur divers paramètres
physiologiques relatifs à ses qualités aérobies que des entraînements d’interval training aux plus hautes intensités (type 30/30).
Christian Rebollo
* Sauf le dernier chapitre : Progression et fréquence des séances