En soit, la position de la tête n’influence pas la manière de courir d’un athlète. Quant aux champions, certains sont loin d’adopter une posture idéale à l’exemple d’Emil Zátopek ou plus récemment de Paula Radcliffe. Alors pourquoi s’y intéresser dans cette tribune ?
A l’entraînement, on entend régulièrement les entraîneurs alerter les athlètes sur la notion de posture droite, nécessaire pour optimiser une qualité de foulée. Or, la posture de la tête, tant au repos qu’en courant est conditionnée par la posture globale de l’individu. Une malposition de la tête peut traduire des tensions et des déséquilibres qui mériteraient d’être corrigés.
Par exemple, Thomas Delavenne, kinésithérapeute et ostéopathe du sport affirme que « on retrouve trop souvent des tensions qui entraînent une projection de la tête en avant, avec une courbure
accentuée des cervicales ».
Dans un autre cas, en simplifiant, on pourrait supposer que si un athlète penche la tête à droite pendant l’effort, il souffre peut-être d’un déséquilibre au niveau des chaines musculaires droites.
Un constat inquiétant pourrait s’établir : l’augmentation du nombre d’athlètes victimes de ces déformations et surtout une insuffisance, voire une absence de prise en compte de cette problématique.
– Depuis toujours, des personnes s’engagent dans l’athlétisme avec des malformations de la colonne vertébrale apparues pendant la croissance et des déformations acquises plus tard au cours de leur vie. La colonne peut se déformer dans tous les sens. Selon le sens de déformation, cela prendra un nom différent : scoliose, lordose *, cyphose *.
– Plus récemment, des athlètes se trouvent victimes de TMS (troubles musculosquelettiques). Actuellement, 42 % de la population active passe aujourd’hui plus de 4 heures par jour assise au travail et généralement devant un écran. Travailler devant un ordinateur cause de nombreux troubles musculosquelettiques. Écrans, claviers, souris… agissent en particulier sur notre nuque et le bas du dos.
– Plus récemment, encore, de jeunes athlètes sont les premières victimes de ce qu’on appelle le « text-neck », en français le « cou-texto », une déformation de la colonne cervicale liée aux mauvaises positions que l’on adopte lorsqu’on écrit des textos, mais aussi lorsqu’on regarde l’écran de sa tablette.
Sachez que cette déformation est visible sur les radios réalisées sur ces personnes sur lesquelles on constate qu’au niveau du cou, leur colonne vertébrale est incurvée vers l’arrière et non vers l’avant comme c’est supposé être le cas.
Ce qui complique les choses, pour un entraineur, c’est qu’on peut observer de multiples ports de tête chez les athlètes sans qu’ils en souffrent et sans que cela semble nuire à leur performance.
Dans les faits, il est difficile de définir une position idéale pour la tête. L’équilibre à atteindre ne peut être que global.
N’étant pas spécialiste de ces questions, j’ai souhaité m’appuyer sur l’expertise de Pilar Bouguennec (enseignante de Hatha Yoga) qui complète, dans la seconde partie, de manière utile et étayée mes
propos. En attendant, on peut recommander :
1) L’avis d’un médecin spécialisé
En cas de douleur ou d’interrogation sur une déformation, il est recommandé de consulter un spécialiste qui pourra confirmer ou contre-indiquer momentanément (ou durablement) la pratique de l’athlétisme.
2) Ne pas spécialement abandonner l’athlétisme
Contrairement à une idée répandue, il n’est pas toujours nécessaire de tourner le dos à la course à pied pour se libérer de douleurs vertébrales. Courir est bénéfique à la qualité de l’hydratation des disques intervertébraux, améliorant leur capacité amortissante et profitable aussi à la densité osseuse des vertèbres en l’accroissant. C’est un véritable facteur préventif de l’ostéoporose, notamment chez la femme.
3) Contrôler sa posture
Lors des séances d’entrainement, contrôler sa posture en veillant à ce que la tête soit verticale, le menton rentré et le regard horizontal. Le cou et les muscles de la nuque doivent rester les plus
détendus possibles.
4) Pratiquer des étirements avant une séance
Avant une séance d’athlétisme, faire de simples étirements adaptés permet de lutter contre le stress et les tensions qui s’accumulent dans la nuque et peuvent provoquer des douleurs.
5) Pratiquer des exercices journaliers
La nuque est l’une des régions les plus innervées et les plus fragiles de notre corps. La région du cou est formée de 7 petites vertèbres, très fines et très mobiles. Au vu de leur fragilité, elles sont
soutenues par les muscles du cou, qui jouent un rôle essentiel dans notre mobilité : notre cou suit le moindre mouvement de nos yeux. Il est donc sollicité en permanence.
Vous pouvez pratiquer l’auto-massage en haut du cou, juste derrière les oreilles. Massez votre cou à cet endroit du bout des doigts, en effectuant très lentement des petits mouvements circulaires des
deux côtés de la nuque. Lorsque vous sentez votre cou chauffer et vos muscles se détendre sous vos doigts, descendez légèrement, et recommencez un tout petit peu plus bas. Poursuivez ainsi jusqu’à atteindre la pointe de l’épaule des deux côtés.
Pour compenser les TMS, il est recommandé aussi de pratiquer des exercices journaliers d’étirements ou de musculation de la nuque seul ou au sein d’un club spécialisé (stretching, sophrologie, Yoga, Tai-chi, Qi gong, natation, etc.).
Contribution de Pilar Bouguennec (enseignante de Hatha Yoga)
1) Un signe d’un déséquilibre vertébral
En soit la position de la tête n’influence pas la course à court terme. Mais à long terme elle va générer ou être la conséquence de pathologies. Elle est surtout le signe d’un déséquilibre vertébral. Il faut surtout retenir que plus l’équilibre vertébral est préservé, moins il y a d’effort musculaire et plus il y a de confort statique et d’aisance et de possibilité de performance.
La tête au sommet de la colonne vertébrale est très lourde (près de 4 kg), elle repose sur le 1ère vertèbre l’Atlas comme une roue qui tourne autour d’un essieu, l’axis, dans presque tous les sens.
Cette mobilité exceptionnelle dans cette portion de la colonne vertébrale a souvent pour corollaire les problèmes d’arthrose qui commencent très tôt.
2) Systèmes liés
Il existe des liens entre le cou, les mâchoires, les mains, les épaules. Au niveau des muscles, des nerfs, des fascias. Des liens musculaires, par exemple, les chaînes musculaires cervicales situées
latéralement et en arrière du cou fonctionnent de façon synergique avec les muscles masticateurs. Avoir des tensions dans les mâchoires ou les mâchoires crispées engendrent à la longue des
douleurs qui se répercutent dans les cervicales et les bloquent. Cela explique des raideurs dans la nuque, des contractures et des positions de la tête en tension…
3) D’autre solutions
La solution est dans tous les exercices d’allonger pour soulager (il en va de même avec tout l’axe vertébral). Selon B De Gasquet la solution est de mettre en place « une minerve musculaire » qui va prendre appui sur des fondations solides dans la partie dorsale. En clair on va muscler et gainer, elle utilise le terme de « manchonner » qui est assez parlant.
Selon De Gasquet, face aux tensions de la nuque, on propose toujours la détente, or la détente est une hérésie biomécanique… D’ailleurs les torticolis se font souvent la nuit justement en raison de la
détente des muscles et d’une mauvaise position.
4) Position d’équilibre
La position parfaite de la tête est une position d’équilibre **. On peut favoriser le placement de la tête en s’imaginant que le l’on porte un objet en équilibre ou une couronne (en étant toujours le plus grand possible du coccyx au sommet de la tête), en s’imaginant que l’on pousse le ciel avec le plat de la tête, le menton est légèrement rentré comme si l’on sentait le contact d’un col de vêtement dans la nuque. On peut aussi visualiser un cintre dans le dos, les côtés du cintre sont les omoplates, et toujours éloigner les oreilles des épaules.
* Lordose et cyphose sont des courbures physiologiques, hyper lordose et hyper cyphose sont des
pathologies.
** Alors son poids
Christian Rebollo