Il n’y a pas de formules magiques pour gagner. Pour battre un adversaire, gagner une course ou battre son record, il faut être bien entrainé !
Cependant, l’expérience prouve que ce n’est pas le mieux entraîné ou le plus rapide qui gagne.
Dans une épreuve, à niveau égal, la dimension tactique fait souvent la différence.
De quoi parle-t- on ?
Au départ d’une compétition, tout le monde peut observer des comportements bien différents : ceux qui sont angoissés, ceux qui sont détendus et rigolent, ceux qui parlent fort, ceux qui s’isolent, ceux qui sont très concentrés, ceux qui travaillent leurs gammes d’échauffement comme à l’entraînement…
Indirectement, cela montre une chose : la concentration et les objectifs tactiques (quand ils existent), sont très variables d’un individu à l’autre.
Nous allons ici les regrouper en 5 catégories sans aborder dans cette contribution d’autres
dimensions tactiques comme les différentes façons de courir : course en métronome, positive split et negative split qui feront l’objet de contributions supplémentaires.
1 – Les facteurs psychologiques de la performance
Cela consiste à s’adapter et à contrôler l’anxiété. Comment faire ?
1- a – Bien s’organiser préalablement
Il s’agit de bien gérer toute sa logistique pour le jour J : cela permet réduire une grande part des tensions. Rien de pire que de voir augmenter brutalement son stress par une arrivée trop tardive au lieu de l’épreuve ou de constater qu’il manque quelque chose dans ses affaires, etc.
1- b – Eviter l’hypoglycémie de stress
Comme on dit, avant même le début de l’épreuve, le stress « pompe de l’énergie », au point que certains athlètes débutent la course en hypoglycémie. Dans ce cas, il est recommandé d’adopter une boisson dite d’attente (sans exagérer en termes de volume).
1- c – S’appuyer sur ses points forts
Un bon entraînement, outre les progrès physiques et physiologiques, révèle ses points forts et ses faiblesses. La sécurité consiste à s’engager dans l’épreuve sans prendre trop de risques en s’appuyant sur ses principaux atouts.
1- d – Gérer l’épreuve prudemment
Dans ce climat psychologique, pas de départ trop rapide, la régularité de course est un gage de réussite. La bonne stratégie consiste à maintenir une allure régulière, en fonction d’un niveau réaliste déterminé à l’entraînement. Essayer de suivre un bon peloton, surtout en cas de vent. Le ravitaillement étant indispensable, se préparer 200 m avant le poste en se portant du côté des tables.
1- e – Relativiser
Se rappeler qu’il ne s’agit que de sport ! Nous sommes des amateurs et l’intérêt de la compétition est avant tout de se faire plaisir et donner le meilleur de soit même.
2 L’intelligence sportive
Cela consiste à se saisir de toutes les opportunités et de ne pas tomber dans les pièges classiques :
– Au départ, contrôler son allure, en pas se laisser emporter par le flux ;
– Détecter rapidement la meilleure allure spécifique et essayer de « se planquer » dans un groupe (il est rapporté que l’on consomme jusqu’à 30 % d’énergie en moins derrière un groupe) ;
– Gérer les passages de courbes en prenant toujours la corde ;
– Ne pas montrer ses faiblesses à ses « adversaires », les observer, apprendre à les connaître, anticiper, accélérer au bon moment pour être certain de les laisser sur place, etc ;
– Quand vous voulez rattraper un coureur ou un groupe, ne pas combler l’écart de suite. Car si vous l’avez rattrapé, vous vous êtes peut-être grillé, vous aussi. Une fois rattrapé, poursuivez votre effort, ne le regardez pas. En général, ça donne un coup au moral de l’adversaire ;
– Appliquer une stratégie d’usure ! C’est l’une des spécialités kényanes, appuyer au bon moment sur l’accélérateur, ralentir soudainement l’allure et repartir de plus belle. L’effet psychologique est important, car il est impossible de prévoir les accélérations, leur nombre et leurs durées ;
– Gérer intelligemment vos ressources : soyez bien sûr d’avoir l’énergie suffisante avant de vous lancer dans une série d’attaques. Apprenez à récupérer suffisamment à allure VS avant de progressivement relancer ;
– Etc.
3 La niaque (la résistance mentale)
L’expérience prouve que la « niaque, on l’a, ou on ne l’a pas ! ». Si pour les psychologues, elle est largement controversée, sur le terrain, c’est souvent elle qui permet de sublimer un record. C’est la logique des champions qui sont formés à rendre, en quelques instants de tension extrême, la fatigue accumulée pendant des heures d’entraînement…
Dans les compétitions, certains « donnent tout ce qu’ils ont » alors que d’autres préfèrent gérer « raisonnablement » jusqu’au bout. De fait, avoir la niaque est une qualité sportive si elle est gérée à bon escient. Par exemple, il est contreproductif de partir trop vite et craquer aussitôt, ou avoir une « explosion » en fin de course. Mais il peut être gagnant de lancer une accélération à un moment opportun puis s’accrocher coûte que coûte et tenir…
Et si vous vous retrouvez en tête, ne vous retournez pas ! Jeter des coups d’œil en arrière est une preuve de faiblesse qui peut redonner le moral du concurrent !
Au moment le plus dur de la course, quand la fatigue commence à s’installer, c’est là qu’il faut faire le choix de la sécurité ou du risque.
Et c’est à ce moment-là qu’on peut appliquer la stratégie kenyane énoncée dans le chapitre précédent. Dans ces conditions, avec la niaque, l’athlète “prend son envol” et là, rien ne l’arrête. On se laisse emporter par une espèce d’euphorie qui nous permet de gagner des secondes là où on devrait en perdre.
Les risques :
L’expression de la niaque en compétition n’est pas sans danger. Tout excès peut entraîner des malaises, des troubles de la vision, des maux d’estomac et peut engendrer un abandon de la course.
Reste qu’on peut dire « chapeau » à ceux qui réussissent !
4 L’habileté à déterminer et à réaliser des objectifs
Ici, tout se joue en amont de l’épreuve. Il s’agit ici de programmer intelligemment ces compétitions dans l’année et de prendre le temps nécessaire de respecter successivement tous les cycles de préparation : développement général, développement spécifique, période d’affutage, période d’allégement et jour J. Ici rien n’est laissé au hasard dans la préparation.
Par exemple :
– le choix de la compétition s’adapte au profil de l’athlète ;
– la montée en puissance lors des entraînement est graduelle en volume et en qualité ;
– aucune compétition intempestive ne vient troubler la préparation ;
– la vitesse spécifique de l’objectif de compétition est déterminée avec beaucoup de soin ;
– à quelques semaines du jour « J », les séances au seuil permettent de renforcer les qualités
intrinsèques de l’athlète.
Dès lors, le jour « J », la gestion de l’allure est préétablie. Le premier tiers de la course est parfaitement contrôlé, en lien avec la VS. L’allure du deuxième tiers peut être légèrement infléchie, positivement ou négativement, au gré des sensations ou des conditions météos. L’objectif du troisième tiers de la course est de concrétiser. La préparation complète a permis de se donner les moyens de réussir. L’athlète est donc confiant, il n’y a plus qu’à en découdre et à se libérer éventuellement au moment opportun à l’approche de l’arrivée, quand la course est assurée.
5 La course aux sensations
C’est un peu l’inverse que la tactique précédente. Ici, point d’anticipation, ni d’astreinte à un programme de préparation mais l’engagement sans aucune pression à une épreuve sportive. Cet état d’esprit correspond à des athlètes ne trouvant aucun avantage à l’application des tactiques précédemment énoncées.
Cela concerne des athlètes qui n’ont pas spécialement l’esprit de compétition, qui ne sont pas
vraiment intéressés par la notion de performance et qui refusent de se soumettre à un programme d’entrainement rigoureux.
Est-ce vraiment une tactique ? Y a-t- il vraiment des avantages à agir de la sorte ?
Absolument et parmi ceux-ci on peut citer :
– L’esprit libre
L’absence de contraintes permet de se concentrer sur ses points forts et de saisir les opportunités.
Par exemple, en trail, où on a tous des qualités différentes, tel athlète qui est fort dans les descentes va prendre un train confortable dans les montées mais lutter dans les descentes et rattraper ceux qui l’auront doublé dans la montée.
– Mieux se connaître
Effectuer une compétition aux sensations permet de ne se focaliser que sur cet aspect et apprendre ainsi à mieux se connaître. Analyser ses sensations en temps réel est une autre manière de progresser.
– Aspect ludique
Sans contrainte de chrono, courir aux sensations permet d’alterner des phases d’allures différentes dans un esprit ludique.
6 Remarques
En dehors des tactiques individuelles, il ne faut pas sous-estimer les dimensions éthiques et collectives qui peuvent aider à atteindre un objectif.
Parmi celles-ci, on peut citer :
– Courir en binôme (ou plus) de même VMA
En club, il arrive couramment de se retrouver dans les séries ou lors des sorties longues avec un ou des athlètes de même niveau, et encore mieux, de même profil.
Lors de compétitions, certains athlètes apprécient de courir ensemble, au moins sur la première partie de l’épreuve. Courir à plusieurs permet de renforcer les liens avec les personnes avec qui on court et de se soutenir moralement dans les passages difficiles.
– L’équité
Par exemple, lors d’une épreuve par vent fort, on peut se retrouver au sein d’un groupe où il est avantageux pour tout le monde d’assurer à tour de rôle le relais de tête, cela engendre des solidarités
ponctuelles bien utiles, là encore dans les moments difficiles.
– L’émulation
Un facteur très important contribue au sein d’un club sportif à sublimer ses performances, celui de l’émulation. Albert Jacquard explique la différence entre l’émulation et la compétition : La compétition c’est rencontrer l’autre en ayant le désir de l’emporter sur lui, l’émulation c’est rencontrer l’autre en se disant, y’a des choses qu’il fait mieux que moi, et bien je vais lui demander de m’aider à les faire mieux que moi. C’est ça qui permet de s’améliorer soi-même ».
Christian Rebollo