Courir seul, un plaisir non sans risque

Courir seul, un plaisir non sans risque

I – Introduction

Alors que le développement de la pandémie du COVID 19 se poursuit depuis mars 2020, entraînant l’annulation des courses à pied et la fermeture des stades, de nombreux coureurs adoptent la course en solitaire. Courir seul peut être une façon très saine de se défouler, une expérience de méditation et de plaisir.

Courir seul est généralement sans danger mais pas sans risque. Tel est l’objet de cette contribution. Voici quelques recommandations pour vous lancer durablement dans la course à pied en solitaire.

 

II – Recommandations générales

  • Fiez-vous à votre instinct. 

La grande différence entre courir seul(e) ou en groupe tient au fait que vous serez seul(e) à gérer les incidents. Alors autant les anticiper.

Prenons deux exemples :

  • Vous allez courir dans la campagne, anticipez une météo défavorable pour ne pas en être victime dans un endroit isolé.
  • Vous sentez l’apparition d’une gêne (début de contracture, douleur articulaire, etc.), n’insistez pas ! Rapprochez-vous de votre point de départ au risque d’enclencher une blessure invalidante, là encore dans un endroit isolé.
  • Courez avec votre téléphone pour appeler en cas de danger ou d’accident.
  • Avant le départ, prévenez un membre de votre entourage et détaillez-lui votre itinéraire. Indiquez-lui approximativement la durée de votre sortie.

 

III – Vous êtes une femme

La possibilité de faire une mauvaise rencontre est possible. Voici quelques conseils pour courir en sécurité proposées par Marie-Amélie Juin (Runners.fr – août 2011)

 

  • Suivre son intuition

 

Si vous avez la moindre appréhension, écoutez votre instinct et ne prenez pas de risques inutiles. Faire éventuellement demi-tour ou de changer de chemin si vous apercevez homme seul au loin. Parfois à tort certainement mais pour s’éviter certaines frayeurs.

 

  • Garder sérénité et confiance en soi en toutes circonstances

 

Lorsque vous croisez une personne qui vous semble « louche », ne vous montrez pas vulnérable et restez vigilante. 

 

  • Choisir ses heures et parcours de course

 

Courez de jour ou dans des endroits éclairés. Evitez les endroits peu fréquentés. Pensez également à garder une certaine distance avec les buissons ou les voitures à l’arrêt. 

 

  • Courir sans musique ou à faible intensité

 

Il est important de pouvoir entendre les bruits qui vous entourent pour éviter les dangers et pouvoir réagir rapidement. 

 

  • Eviter d’être repérée

 

Pensez à changer horaire et itinéraire de course. Cela évite aussi la monotonie et c’est beaucoup plus qu’un détail…

  • Eventuellement

– Utilisez éventuellement l’application WomenRun sur votre Iphone. Cette application est munie d’un bouton « Alerte » qui, une fois déclenché envoie un SMS aux personnes que vous aurez préalablement renseignées avec vos coordonnées GPS.

– Munissez-vous d’une petite bombe à poivre, très efficace, le temps de prendre la fuite !

Ou bien d’un bracelet d’alarme aussi sonore qu’une sirène d’ambulance

 

IV Les risques physiques

 

  • Blessures classiques 

 

Entorses, périostite etc.

Agissez de manière préventive.

  • Portez des chaussures adaptées à la nature de la sortie :

– avec une empreinte de confort qui épouse la forme de vos pieds,

– des chaussures de trails pour des terrains accidentés,

– chaussures avec une ou deux pointures en plus en cas de sortie très longues, surtout avec des variations de dénivelés,

– une épaisseur des semelles non excessive pour faciliter la sensibilité du pied avec le sol,

– un différentiel avant/arrière limité pour faciliter une biomécanique dynamique.

  • Ne programmez pas, seul, des séances plus longues que les dernières sorties que vous avez effectuées en groupe.
  • Durant la sortie, identifiez régulièrement des points remarquables sur votre trajet de telle manière qu’en cas de blessure vous puissiez l’indiquer à un proche pour qu’il vienne éventuellement vous chercher. 

 

 

  • Problèmes physiologiques

 

Déshydratation et hypoglycémie : pour les sorties longues, la meilleure solution pour prévenir ce risque est : 

– de bien s’hydrater la veille et avant la sortie,

– d’emporter une réserve d’eau suffisante et une petite réserve énergétique : barre de céréales et quelques fruits secs.

 

 

  • Agressions diverses comme celle d’un chien. 

 

  • Regardez-le dans les yeux et n’élevez pas les bras,
  • D’une voix grave, ferme et forte, dites « stop » ou « non » ou ce qui correspondra le mieux selon la langue du dresseur éventuel,
  • Reculez lentement puis éloignez-vous. Vous pouvez essayer les pas latéraux, 
  • Ne tournez jamais le dos au chien qui préférera vous attaquer par derrière, 
  • Parlez-lui sans vous arrêter en vous éloignant. 

 

V – Courir en forêt ou/et en montagne

Courir seul en forêt ou dans la montagne est très agréable. Mais sous certaines conditions pour ne pas commettre quelques erreurs pouvant vous placer dans une situation dangereuse.

Tout d’abord, il faut connaître le massif forestier ou montagneux dans lequel vous souhaitez pénétrer. 

Consultez les cartes, visualisez la géographie des lieux, les axes et les chemins balisés ainsi que la météo.

L’improvisation reste possible pour les grands coureurs de fonds qui ont suffisamment de réserve pour éventuellement se perdre et retrouver une issue. Mais pour le plus grand nombre, mieux vaut ne pas prendre ce risque sachant que les tournants incessants en montagne ou dans la forêt peuvent totalement nous désorienter.


Autre paramètre : le grand isolement. Vous pouvez parcourir une zone sans réseau pour votre smartphone donc sans possibilité d’appel au secours en cas de grave blessure ou de danger.

Si vos ressources physiques sont limitées, autant ne pas emprunter de chemins de traverse mais plutôt des pistes carrossables bien fléchées.

Et comme le rappelle le trailer Franck Leroy : « Que vous connaissiez ou non les lieux, rappelez-vous que la forêt est un lieu d’habitation ! Pour les animaux. Et que donc vous pouvez faire des rencontres embêtantes. Comme une femelle sanglier suivie de ses petits. Cela peut faire sourire, mais tout peut tourner à la catastrophe. Car sachez que des joggeurs ou des promeneurs ont déjà été mortellement blessés après la charge d’un sanglier ».

 

VI – Courir de nuit

On court de nuit par affinité personnelle (sensations différentes) ou par contrainte, à cause d’un emploi du temps qui ne laisse pas toujours le choix du créneau horaire (surtout l’hiver où les journées sont courtes). 

L’hiver, attention à l’hypothermie en tenant compte des variations importantes de température d’une zone à une autre ! Protégez vos extrémités. Le bonnet et les gants peuvent être indispensables.

Attention aussi à bien s’hydrater ! Dans le froid, la sensation de soif est moins présente, mais ce n’est pas pour cela qu’on sue moins et qu’il faut moins boire. 

 

  • Courir avec frontale

 

Raccourcissez votre foulée pour vous adapter aux aspérités du sol et concentrez-vous sur votre allure en essayant d’anticiper les risques. 

Comptez sur vos réflexes, ainsi que sur votre bon sens.

N’utilisez surtout pas de musique pour être à l’écoute et pouvoir interpréter tous les signaux sonores dans la nuit.

N’oubliez-pas aussi que la nuit on peut faire des rencontres imprévues. Il faut avoir à l’esprit que « ce n’est pas l’heure des coureurs », la cité ou les bois appartiennent à d’autres…. 

Soyez prudent au passage des carrefours en regardant, de part et d’autre de la rue, lorsque vous envisagez de traverser.

Courez avec des vêtements lumineux et prévoyez éventuellement des piles de rechange pour votre frontale.

 

 

  • Courir sans frontale

 

Les principaux risques sont les suivant : 

  • Heurter un obstacle invisible comme une racine, une ornière ou glisser sur une plaque de verglas mais aussi se confronter à des obstacles plus insidieux : branches de ronce relevées, chaine placée au travers du chemin, bloc effondré du bas-côté, etc. 

Que faire pour éviter de heurter un objet ou la chute ? 

Garder sur tout le parcours une extrême vigilance, 

Courir à la lumière de la lune ou celle des réverbères (sans lumière de la lune, courir obligatoirement avec une frontale).

En cas d’absence locale de luminosité, ralentir sérieusement et courir de manière légère (sans écraser ses appuis) en relevant un peu ses quadris. 

  • Se méfiez des « mirages » nocturne. Il est difficile d’évaluer le niveau de la pente dans les alternances de dénivelés. 
  • Etre à contre-courant des voitures qui vous éblouissent avec leurs phares.

Que faire ? Courir avec une casquette pourvue d’une longue visière, baisser un peu la tête pour masquer la lumière des phares et fixer le bord de la route à 2 m devant soi. 

 

 

  • Expérience vécue

 

Il faut choisir un terrain stable, cela va de soi, mais surtout connu, même si on n’est jamais à l’abris d’un imprévu, une branche tombée, un caillou déplacé, un déchet jeté.

Cette pratique est extrêmement profitable en termes de proprioception, et on apprend aussi à relever la tête car de toute manière on ne voit pas grand-chose au sol.

On prend conscience des micro-ajustements que le corps réalisent en permanence en fonction des informations perçues des irrégularités du sol. Comme on ne voit pas ces dernières dans le noir, on a par définition les muscles plus contractés pour prévenir tout imprévu

Nous croisons souvent les mêmes personnes à ces heures-là, et je trouve toujours irrespectueux ceux qui allument leur frontale « pleine puissance » et la balance dans les yeux de ceux qui arrivent en face. Malgré cela il est bien d’offrir un repère lumineux à ceux qu’on pourrait croiser (des bandes réfléchissantes, et pour ma part je laisse constamment allumé le rétroéclairage de ma montre). Eric L.

 

 

  • Conclusion de la course de nuit

 

Lors de notre vie quotidienne, on n’a quasiment jamais l’occasion de vagabonder en pleine nuit. Notre corps n’est donc pas habitué à évoluer à la lumière de la lune. Gambader de nuit va demander une adaptation physique et psychologique particulière.

L’appréhension psychologique à sortir de nuit va nécessiter une adaptation en particulier à la vision nocturne.

Notre horloge biologique étant habituée à un moment de repos durant les heures nocturnes, on prêtera une attention particulière à notre alimentation en préférant des aliments plus digestes qu’à la normale.

Pour la même raison, il est recommandé d’adopter des allures modérées, comme l’allure marathon, d’autant que la nuit correspond souvent à des heures de « non réveil » de l’organisme, au cours desquelles il est difficile de faire monter la fréquence cardiaque.

Pourtant, de nuit, nous avons l’impression de courir plus vite mais attention à ne pas se faire piéger, car cette sensation de vitesse est illusoire !

Une fois toutes ces habitudes acquises, s’équiper, s’alimenter, choisir son terrain deviendra instinctif et courir de nuit deviendra un vrai bonheur.

 

VII – Conclusion

Courir seul présente de nombreux avantages :

– La liberté : vous êtes libre de courir quand vous le souhaitez.

– Le rythme : vous déterminez votre propre rythme, l’intensité de votre entraînement et le moment où vous devez vous arrêter.

– Le choix du parcours :  l’itinéraire et le terrain qui vous conviennent le mieux.

– La méditation : vous vous déconnectez de votre mode de vie.

– La conscience de soi : vous apprenez à mieux vous connaître.

Courir seul ou en groupe sont deux formes de course intéressantes. Chacune a ses avantages et ses inconvénients. Le choix de l’un ou l’autre dépendra des besoins et des objectifs de chaque chacun. Je vous conseille d’alterner les deux modes.

 

Christian Rebollo

 

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