Confinement : les séances sur piste effectuées sur les chemins

Confinement : les séances sur piste effectuées sur les chemins

Confinement : les séances sur piste effectuées sur les chemins * ?

I – Introduction

Nous sommes rentrés dans une période de confinement. Nul ne sait pour combien de semaines ?

Cette question nous préoccupe car la fermeture des stades nous oblige à remettre en cause les conditions de notre pratique.

La majorité des athlètes de catégorie hors stade ont principalement quatre terrains ** d’entrainement :

– la piste pour les séances anaérobies et de VMA,

– le macadam pour les séances en côte,

– le bois pour les séances fartlek,

– les traversées urbaines (macadam, trottoir et autres) pour les grands parcours d’endurance.

La fermeture durable des stades est vraiment problématique car les séances de fractionnés sont absolument irremplaçables pour progresser.

Pour les réaliser malgré tout, chacun se « débrouille » comme il peut en s’entrainant sur l’asphalte des pistes cyclables, des routes mais aussi sur des chemins de diverses natures.

Je propose donc de réfléchir ensemble sur les possibilités de transférer les séances anaérobies et de VMA sur des chemins.

* allée, piste, sentier, route carrossable

** Sans compter naturellement les escaliers, les terrains très escarpés pour le fartlek, etc.

II – Pourquoi sur des chemins ?

En courant sur un sentier dont sa surface est réputée pour sa souplesse, dans un parc par exemple, nous réduisons le risque de blessures. A contrario effectuer une séance de VMA sur un sol dur (route, trottoir, parking) est traumatisante pour le corps. La répétition d’appuis identiques sur un sol dur peut engendrer tendinites et périostites.

Sans occulter le fait que courir sur une zone de circulation comme un trottoir ou une route, avec la présence de passants ou le passage des voitures, peut perturber la réalisation de la séance.

L’idéal est de repérer une contre-allée ou une piste plate, sans ornières, dans un bois ou un parc, et peu fréquentée à une heure de moindre affluence.

III – Retour aux sources

Savez-vous que le fractionné et la course en nature sont deux grands courants historiques de l’entraînement en course à pied ?

Longtemps, ces deux grands mouvements d’entraînement pour la course de fond et de demi-fond se sont distingués : les partisans de l’entraînement en pleine nature et ceux pour qui l’entraînement très contrôlé sur piste était le seul efficace. En fait, les deux sont parfaitement complémentaires.

« Pour trouver les origines de la forme spéciale d’entraînement par répétition connue sous le nom de formation par intervalles (fractionné), nous devons remonter dans l’histoire.

Deux grandes écoles d’entraînement se sont affrontées, le fartlek d’origine suédoise et l’interval training des Allemands.

Le fartlek, littéralement « jeu de courses », est une séance d’entraînement effectuée dans la nature qui consiste pour le coureur, au « gré de ses envies et sensations », à varier la durée de ses efforts et à alterner des portions lentes et des portions rapides afin d’améliorer vitesse et endurance.

L’interval training, ou entraînement par intervalles, est un entraînement fractionné qui enchaîne des séries exercices et phases de récupération.

L’inventeur du Fartlek, Gosta Holmer en charge des équipes d’athlétisme suédoises et médaillé des Jeux Olympiques de 1912, cherchait absolument une alternative aux séances de fractionnés, omniprésentes à l’époque ! Il cherchait également à assouplir les conditions de pratique de ces séances.

Voilà comment est né le Fartlek, qui est encore pratiqué et recommandé par des entraîneurs plus de 100 ans après sa création.

L’inventeur de l’interval training, à la fin des années 1930, est un entraîneur allemand, le Dr Woldemar Gerschler, qui a fondé ses méthodes d’entraînement sur de solides principes physiologiques et psychologiques. Il a ainsi systématisé le véritable “Interval training”. Cette méthode consiste à enchaîner, sur une piste, afin de mieux contrôler la vitesse et les distances, des intervalles de différentes distances à une allure ciblée entrecoupés de pauses de récupération très courtes inférieures à 1 mn 30. …/… Cette méthode porte ses fruits : quelques années plus tard, en 1939, Harbig, sous l’aile de Gerschler fait passer le record du monde du 800 m de 1’48”4 à 1’46”6. Un gouffre ! Son record tiendra 16 ans.

Surtout, après Gerschler et Harbig, l’entraînement de haut-niveau est marqué à jamais par la notion d’intervalles. Le “fractionné” est né et restera une méthode quasiment incontournable ».

Source : https://www.running-conseil.com/actualite-running-conseil/fractionne-ou-nature-les-deux-grands-courant-de-lentrainement-en-course-a-pied.html

Séance de fractionné en nature de Rudolf Harbig dans les années 30

IV – fractionner sur les chemins

A – Quel terrain choisir ?

Un lieu calme, plat (vraiment plat) et un peu isolé (si possible) formant une boucle ou un rectangle de 300 à 500 m de circonférence. Sinon, un chemin carrossable assez large de 300 m de long peut faire l’affaire.

Par rapport à un point de départ que vous déterminez, vous pouvez :

– Etalonner un parcours référence tous les 50 m en utilisant un compteur de vélo,

– Ou bien repérer des signes périodiques (rocher, arbre particulier, réverbère ou banc qui définissent des distances de référence, tous les 100, 200 ou 300m. En cas d’absence de repères naturels, vous pouvez en créer avec des objets, plots ou discrètes marques de peintures biodégradables.

B – De quels outils se munir

1) D’une simple montre chrono.

En dehors des valeurs de temps, une montre chrono permet l’évaluation d’une distance.

Par exemple : Pour mesurer une distance de 300 m, vous savez que si vous effectuez une série de 300 m à 100% de VMA, en 1’20, il vous suffit d’effectuer une règle de trois. Vous déduisez qu’il est nécessaire de courir 1’54 à 70 % de VMA pour effectuer environ 300 m.

2) D’une montre connectée avec GPS.

En utilisant plusieurs fonctions bien utiles :

– La distance (par exemple : 300 m),

– La programmation de bip sonores (par exemple toutes les 30 secondes pour une série de 30/30),

– La fonction GPS, sur un terrain improvisé,

– Et d’un cardio-fréquencemètre pour ceux qui travaillent un pourcentage de FCmax.

C – Les avantages de la course sur un chemin par rapport à la piste

1) Les longues répétitions

Autant la piste est avantageuse pour effectuer les séances anaérobies et les séances de VMA jusqu’à 1000m, autant les boucles de 400m peuvent devenir ennuyeuses pour les longues répétitions entre 1200 et 3000m.

2) La variété des terrains en nature.

Nous avons vu que pour mimer les séances sur courtes distances, il fallait un terrain très plat. Reste qu’en nature, vous pouvez modifier la séance avec des paramètres externes qui peuvent aider à améliorer votre puissance ou bien votre cadence.

Par exemple :

– Choisir un terrain très droit avec un léger dénivelé montant. Vous pouvez ainsi améliorer vos appuis et la biomécanique de votre foulée sur ce léger dénivelé.

– Choisir un terrain très plat sur 150m puis formant un dénivelé de 3% sur 150 m. Vous pouvez ainsi vous lancer dans une vitesse dynamique sur 150 m que vous essayez ensuite de prolonger sur tout ou partie des 150m en dénivelé.

– Choisir une série de variantes : Renouveler une séance définie sur terrain plat pour une distance équivalente, sur une série de bosses pour développer une foulée qu’on pourrait qualifier « d’ascensionnelle », sur un terrain en descente, dans la boue, etc.

D – Des différences malgré tout

1) La durée prime sur la distance.

Sur une piste, les séances sont réglées sur les distances. Des repères marquent clairement les 100m, les 400m, 1000m font deux tours et demi, etc. Pour les séances en nature, il est beaucoup plus fiable de travailler à la montre. Les séances 30/30 ou 1’/1’ sont facile à réaliser sur des terrains imprévus ou non préparés.

2) Un avantage incontournable de la piste

L’un des grands avantages de la piste, c’est son isolement par rapport à l’environnement.

Tout travail de vitesse pure ou d’affutage de la technique nécessite une concentration maximum sur les appuis et la gestuelle. Il est bien évident que lors d’une séance de cette nature dans un parc ou un bois, le passage intempestif d’un groupe ou d’un chien perturbera totalement la séance. Cela signifie que ce type de séance nécessite vraiment un circuit relativement isolé.

3) C’est plus compliqué de faire des 30/30 sans l’entraineur qui siffle les intervalles ou sans montre qui le fait à sa place.

4) Il y a aussi des risques de blessure sur la piste, comme les torsions de cheville en fin de séance de fractionné. C’est lié au manque de vigilance dû à la fatigue combiné au pied posé sur un caillou ou une ornière. Sans compter des promeneurs autour de nous qui nous font modifier la trajectoire ou simplement la contemplation du paysage.

5) Le fait de courir seul dans un parc et de ne plus être encadré peut pousser certains coureurs à se lancer porter par leurs sensations et ne pas effectuer la séance prévue. Dès lors, ils se font plaisir (ce qui est appréciable) mais ne progressent pas.

 

V – 5 exemples de séances habituellement effectuées sur piste

1- Séance de VMA : série de 10/10

Séance pour des athlètes très entraînés de niveau 2, 3 et 4 (interdit aux débutants et peu entrainés)

Option principale

2 choix de terrains

1) Si vous avez une montre qui bipe toutes les 10 secondes, recherchez un parcours sur terrain isolé, parfaitement plat.

2) Sinon, sur une boucle isolée, parfaitement plate et d’une longueur de 300 m, placez un repère (plot) tous les 30m.

  • Echauffement : 12’ de jogging
  • PPG complète dont étirements actifs
  • Préparation à l’exercice : 2 lignes droites (sur 80m) à 90 % de VMA
  • Puis 2 lignes droites (sur 80m) à 100 % de VMA

Effectuez : 4 (5 x (accélération de 10’’ entre 110 et 130 % de VMA) + (récup. dynamique à 85 % de VMA).

4 à 5’ de récup. active entre les blocs.

Recommandations

1) Le succès de cette séance dépend souvent d’une émulation entre athlètes. Il est donc recommandé de l’effectuer.

2) Cette séance ne peut être effectuée que dans un bon état de fraicheur et sans aucune blessure.

2) Avant de débuter la séance, mimer là sur un bloc avec des accélérations « tranquilles », l’objectif étant de mémoriser la durée d’un bloc.

3) Apprenez à maîtriser l’allure. Il est en effet très facile de finir “cuit” au bout de quelques fractions car on est parti trop vite.

Objectif

Les séances 10/10 sollicitent aussi les fibres musculaires rapides et stimulent les filières anaérobies. Ce type d’entraînement améliore la qualité de pied. En sprintant, le pied apprend à restitue l’énergie qu’il reçoit au moment de l’impact au sol. Il agit ainsi davantage comme un ressort rigide, ce qui permet de réduire la quantité d’énergie perdue à chaque pas.

Lorsque ce type de séance est répété régulièrement, on constate une amélioration progressive de l’économie de course.

Ce type d’entraînement impose de fortes tensions musculaires. Les petits dommages musculaires résultants stimulent, renforcent les fibres qui, séances après séances, deviendront de plus en plus robustes et capables de supporter une charge de travail plus importante.

Risques

Une séance de 15/15 mal engagée peut engendrer élongation, claquage.

En cas de montée d’une douleur au mollet, il est souhaitable de ne pas insister et de reporter la séance.

Aussi, il est préférable de faire cette séance au minimum à deux (en décalage de 10 secondes) de telle manière qu’un athlète blessé puisse avoir un soutien.

Option 2

Même séance mais à chaque répétition, lancer l’accélération à vitesse maximum sur quelques secondes puis décélérer jusqu’à la dixième seconde.

Option 3

Démarche inverse : accélération intensive mais graduelle sur 10 secondes.

2- Séance de VMA : série de 200 m

Option principale

Recherchez un circuit en boucle de 200m environ sur terrain plat, à sol meuble et un peu isolé. Etablissez un marquage à 100m et 200m.

  • Echauffement : 12’ de jogging
  • PPG complète
  • Préparation à l’exercice : 4 lignes droites (sur 80m) à 90/100 % de VMA

Séance pour tout niveau.

Nombre de répétitions pour les catégories 1 et 2 : entre 5 et 10

Nombre de répétitions pour les catégories 3 et 4 : 2 (6 à 10)

Récup. active sur 100m.

A la fin, footing de récupération sur 10’.

Recommandations

1) En cas d’entrainement suffisant, effectuez la séance à 104 % de VMA. En cas de difficulté, je préconise la progressivité : 1/3 de la séance en dessous des 100% de VMA ; 1/3 à 100% de VMA et le dernier tiers à 105 % de VMA.

2) Pour rendre plus stimulante la séance, vous pouvez aussi l’effectuer à 3. Deux athlètes se places sur la ligne de départ, un 3ème sur la ligne d’arrivée. Un athlète sur la ligne de départ se lance dans le 200 m et s’arrête sur la ligne d’arrivée passant ainsi le relai à celui qu’il rencontre qui à son tour s’élance dans un 200 m jusqu’à la ligne de départ pour à nouveau passer le relai.

Objectif

L’intérêt de réaliser des séries de 200 m est important pour améliorer ses qualités de vitesse et sa technique. Cette vitesse permet aussi d’optimiser ses capacités anaérobies lactique. Il s’agit d’une séance très utile pour une préparation en demi-fond ainsi que les 5 et 10 km.

Risque

Une séance de 200 m peut provoquer des élongations. Pour l’éviter, il faut être prudent en ne stabilisant sa vitesse, là aussi, qu’à la 4ème répétition

Option 2

Jouez des croissances ou/et décroissances. Par exemple : les 200 m sont effectués par une croissance de 90 à 110 % de VMA sur 100 m puis une décroissance sur les 100 m suivants.

3- Séance de VMA : série de 300 m

Option principale

Recherchez un circuit en boucle de 300 m environ sur terrain plat, à sol meuble et un peu isolé.

  • Echauffement : 12’ de jogging
  • PPG complète dont étirements actifs
  • Préparation à l’exercice : 2 lignes droites (sur 80m) à 90 % de VMA
  • Puis 2 lignes droites (sur 80m) à 100 % de VMA

Effectuez : débutants : 6 x 300m, niveau 2 : 8 x 300m, niveau 3&4 : 12 ou 13 x 300m

Récup. active sur un tour.

A la fin, footing de récupération sur 10’.

Recommandations

1) Vous ne stabilisez la vitesse, à 100% de VMA, qu’à la 4ème répétition

2) Ensuite, stabilisez l’allure : 3 secondes maximum d’oscillations entre chaque répétition

3) Les deux dernières répétitions effectuées en travaillant sa posture et la qualité de ses appuis.

Objectif

Le fractionné sur 300m est communément utilisé dans les plans de préparation pour les épreuves de 10km.

Quoi qu’il en soit, cela vous apportera une progression en vue de vos compétitions sur 10km, semi-marathon ou marathon.

Option 2

100 m foulée ample et centre de gravité haut.

100 m travail de fréquence (foulée moyenne)

100 m gardez la dynamique mais en relâchement.

Option 3

Même travail mais effectué sur une pente régulière montante de 1 à 2 %

4- Séance de VMA longue *

* Je reprends l’expression de VMA longue car elle est généralisée. En réalité, il n’y a pas de VMA longue ou courte. Il n’existe qu’une seule VMA, qui correspond dans le langage courant à 100% de VMA. Par contre, on peut travailler à des pourcentages de VMA inférieurs pour des durées d’effort de 1 à 3’ correspondant à ce qu’on appelle la « VMA longue ».

Recherchez un circuit avec de longues lignes droites comme l’allée royale au bois de Vincennes ou le parc des Coquibus à Evry.

  • Echauffement : 12’ de jogging
  • PPG complète en travaillant sérieusement les gammes

Séance pour tout niveau.

Préparation 10 km : 4 à 8 x (3’ à VS 10 km – récup. active 1’30)

Préparation semi : 2 à 5 x (10’ à VS semi – récup. active 2 à 3’)

A la fin, retour tranquille en footing.

Recommandations

1) Respecter les allures de VS (ne pas aller plus vite). Les intensités des efforts lors de séances à allure spécifique 10 km se situent au maximum à 85-87% de la VMA et pour un semi : 83-85 % de VMA.

2) Effectuez cette séance avec des chaussures de trail

Objectif

Ces séances contribuent au développement de la puissance aérobie.

Elles permettent d’assurer une transition graduelle entre le travail de VMA longue et la VS de l’objectif de compétition.

5- Séance de VMA : changements de rythme

Option principale

Recherchez, dans un parc, un terrain avec différents types de sol (pelouse, chemin stabilisé, variation de dénivelés, petites bosses) – chaque différence de terrain devant s’effectuer que quelques dizaines de mètres uniquement.

  • Echauffement : 12’ de jogging
  • PPG complète en travaillant sérieusement les gammes
  • Préparation à l’exercice : 3 ou 4 lignes droites.

Séance pour tout niveau.

Effectuez : 5 à 10 x (30’’ dynamique + 30’’ récup active/ 3’ à VS semi + 30’’ récup active + 30’’ dynamique)

A la fin, footing de récupération sur 10’.

Recommandations

1) Changez de points de départ pour effectuer les variations sur différents terrains

2) Effectuez cette séance avec des chaussures de trail

3) Terminez la séance par 10’ de footing

Objectif

Gérer les relances aux passages des parties dynamiques et gérer les efforts pour tenir toute la séance sans vous épuiser en courant en sur-régime.

Option 2

Augmentez graduellement la durée des séquences dynamiques aux séances suivantes

Option 3

Appliquez les principes de cette séance dans un esprit fartlek, c’est-à-dire aux sensations en découvrant des zone inexplorés d’un parc ou d’un bois.

VI – Conclusion

Tous les athlètes de catégorie hors stade ont investi les pistes en tartan à compter des années 70, certainement de manière excessive.

Le confinement nous aura au moins permis un certain retour aux sources en rééquilibrant nos terrains d’entrainement.

Il est un fait qu’une piste d’athlétisme est un terrain idéal pour nous concentrer sur les séances de fractionné sans nous laisser distraire par l’environnement.

Cependant, l’excès du nombre de séances de piste et donc de foulées uniformes engendre des sur-sollicitations déséquilibrées en matière musculaires, articulaires et tendineuses.

En somme, variez vos surfaces d’entraînements tout en tenant compte d’un principe fondamental : le principe de spécificité. Et rapprochez-vous en matière d’entrainement des terrains correspondants à vos objectifs de compétition : course sur route, cross, trail…

 

Christian Rebollo

 

 

 

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