Equilibre musculaire et intégrité physique

Depuis quelques mois, j’ai classé dans un dossier de ma boîte mail une série de témoignages de blessures d’athlètes qui m’ont interpelé.

Je ne suis pas médecin, mais comme entraineur, je vous invite à me suivre dans le raisonnement que j’ai opéré en analysant diverses blessures dont vous êtes ou avez été victime. 

 

Le premier témoignage est le suivant :

« Après 10 jours de repos suite à une torsion de cheville, j’ai repris graduellement l’entrainement… Au bout de quelque temps, j’ai ressenti une douleur musculaire au niveau du pubis. Le mercredi, j’ai fait la séance du club. Constatant que loin de s’atténuer, la douleur avait progressé…/… j’ai découvert qu’il s’agissant d’une pubalgie ».

 

Second témoignage :

« Je m’entraine au club depuis plus d’un an. J’ai bien progressé grâce aux séances sur piste. Il y a un mois environ, à l’issue d’une série de 200 m, j’ai ressenti une douleur au bas du dos. Pourtant, avant j’avais bien effectué les exercices que tu nous fais faire pour détendre et muscler le dos. Ce week-end, j’ai effectué un le trail des Griffond’Yerres, pourtant pas très long et la même douleur est réapparue ».

 

Troisième témoignage :

« Voici quelques jours que je ressens une douleur à l’arrière de la cuisse gauche (plutôt vers le milieu-intérieur de la cuisse). Je n’ai pas ressenti de douleur aiguë lors d’une course, mais lors d’une séance de VMA où tu nous avais fait travailler l’élévation du centre de gravité … La douleur ne m’empêche pas de marcher mais je sens mon muscle raide et douloureux lorsque ma jambe est tendue et étirée ». 

 

Quatrième témoignage :

« Depuis 2 mois, après avoir changé de chaussure, je souffre d’une aponévrosite chronique qui apparait surtout quand je cours sur un sol dur. J’ai lu et relu tous les articles concernant cette « salop…. » et essayé presque tous les conseils ! glaçage, balle de tennis, étirements spé renforcement,… ça repart à chaque fois ! Un médecin sportif que j’ai consulté m’a dit que j’étais passé trop rapidement d’une marche avec des talons haut à la course à pied. De plus, tu m’as dit que mon déroulé de pied était traumatisant…/… »  

 

Tentons maintenant d’analyser les causes de ces différentes blessures/douleurs/pathologies !

 

Concernant le premier témoignage :

Il pourrait s’agir d’un déséquilibre musculaire entre le haut et le bas du corps engendré par une longue pratique de l’aviron avant de s’engager dans la course de fond (hypothèse de l’ostéopathe de l’athlète concerné).  Localement, la pubalgie a pu se déclencher par l’appui déséquilibré de sa foulée avec son pied qui restait fragile (après la torsion de cheville).

 

Concernant le second témoignage :

Une série de 200 m sollicite la filière anaérobie or il faut comprendre que cette filière permet la mise en route « brutale » des groupes musculaires sollicités pour réaliser un effort intensif et bref. Ce type de séance et les descentes rapides dans une épreuve comme Griffond’Yerres augmentent de façon importante les mouvements en extension des vertèbres lombaires. Ces mouvements inhabituels irritent les articulations qui relient les vertèbres entre elles. 

 

Concernant le troisième témoignage :

J’ai remarqué que les tendinopathies proximales de l’ischio-jambier n’apparaissent jamais chez les débutants mais chez les coureurs d’une expérience minimum de plusieurs mois qui veulent progresser en vitesse lors de ce type de pratiques :

– en entrainement ou en épreuve en côtes,

– lors d’une accélération trop vive dans une séance de relance (cross, seuil, etc.),

– lors d’une tentative de remontée trop violente du mollet en course de vitesse pour tenter d’augmenter l’amplitude du déroulé de la foulée (poulaine – trajectoire du pied).

 

Concernant le quatrième témoignage :

La fasciite plantaire est une inflammation du tissu fibreux de la face plantaire qui provoque une douleur sous le mi-pied. Elle provoque un stress sur l’os du talon et sur le tissu qui s’y rattache. Dans le témoignage, l’origine du problème est bien établie. Il est multifactoriel : passage trop rapide d’un mode de déplacement marche avec haut talon à course à pied, chaussure peut-être inadapté, appuis traumatisants, etc.

 

Une simple remarque : une douleur au pubis, une douleur au bas du dos, une douleur aux ischios, une douleur au niveau de la voute plantaire n’ont aucun lien…

 

Et pourtant !

Essayons de relater les facteurs communs à toutes ces blessures/douleurs. 

1) Les victimes ne sont pas de débutants mais des athlètes avec un minimum d’expérience.

2) Tous les cas observés concernent un changement ou une évolution de la pratique.

3) L’incident est toujours engendré :

– par un exercice ou une séance spécifique

– par une mise sous tension excessive ou non habituelle 

– par une démarche non progressive.

 

Que pouvons-nous déduire ?

Premièrement : si une douleur est engendrée par un exercice spécifique, cela peut signifier un déséquilibre musculaire dans l’appareil locomoteur. En d’autres termes, quelques muscles portent l’essentiel de l’effort sans que les autres muscles soient sollicités. Ces derniers muscles ne se renforcent pas.

Par exemple, le Dr Patrick Middleton (Clinique Korian Les Grands Chênes, Bordeaux) a établi en 2013 que : « La dysbalance musculaire peut expliquer les lésions des muscles ischio-jambiers et les lésions de l’infra-épineux dans leur rôle de frénateurs du mouvement ».

Deuxièmement : si la pratique de course à pied (en particulier dynamique) est la seule activité sportive (pas d’entrainement croisé), les muscles du mouvement (muscles agonistes) se renforcent, ce qui n’est pas le cas des antagonistes. Il se produit une modification des équilibres du fait de l’adaptation à la pratique de l’athlétisme.

Troisièmement : si on prend le cas de la marche avec des chaussures à haut talon, il faut bien admettre que la normalisation de cette pratique engendre une architecture osseuse, musculaire et ligament tendineuse très spécifique. Le passage non progressif à une pratique d’athlétisme avec un faible drop dans les chaussures modifie complètement les appuis et ne peut qu’engendrer des déséquilibres. Cela montre que la passage d’une posture à une autre doit s’effectuer de manière très progressive si on veut éviter les traumatismes.

Quatrièmement : une stimulation musculaire déséquilibrée et excessive entraine nécessairement des tensions anormales des accroches musculaires dans les tendons et les points d’insertion sur les os. Par conséquent, certaines tendinopathies sont d’origine musculaire.

 

En conclusion

Comme l’exprime une publication de l’INSERM (Bénéfices de l’activité physique sur l’équilibre – iPubli-Inserm), « l’activité physique a des effets bénéfiques sur différents facteurs : bénéfices sur l’équilibre, la force et la puissance musculaires, l’endurance, la masse osseuse. Chacun de ces paramètres est amélioré par certains types d’exercices, à une intensité, une fréquence et une durée différant d’un paramètre à l’autre. C’est la raison pour laquelle des exercices variés, ayant une intensité et une durée suffisantes sont nécessaires pour améliorer durablement l’équilibre, la puissance musculaire, les capacités aérobies, les amplitudes articulaires ».

Ce processus doit être adapté au profil et aux conditions physiques de chacun. 

Courir sur une piste d’athlétisme sollicite principalement les muscles orientés dans le plan de la course alors que l’architecture musculaire exprime des fonctionnalités en 3D. Ces fonctionnalités ne mettent pas en jeu des muscles isolés mais des chaines musculaires complexes avec beaucoup plus de muscles qu’on ne l’imagine*.

Dès lors, une activité sportive unique comme l’athlétisme ne peut qu’être déséquilibrante pour l’architecture musculaire et ligament tendineuse, si elle ne s’accompagne pas de pratiques sportives différentes (on parle ici d’entrainement croisé) ou d’exercices sportifs complémentaire (PPG, musculation, etc.).     

Enfin, lors de toute activité physique, la première règle à suivre est d’être attentif aux signaux que notre corps nous envoie. Le passage d’une pratique de loisir à celle d’une amélioration des performances est très exigeant et demande beaucoup de patience. Chaque enjambée achemine des ondes de choc à nos pieds, à nos genoux et à notre dos. Il faut donc porter attention aux petites douleurs, chercher à en comprendre l’origine. Dans bien des cas, une simple pratique complémentaire et ré-équilibrante annulera l’origine des douleurs évoquées au début de cette contribution. 

 

* en particulier : 11 muscles dans les cuisses, 12 muscles dans les jambes, 13 muscles dans les pieds

 

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