Planification de l’entrainement – la notion de cycle(s)

Planification de l’entrainement – la notion de cycle(s)

« Je m’entraîne au club depuis près de trois ans. Cela m’a aidé à perdre du poids et j’ai conscience d’avoir bien progressé surtout dans les deux premières années. Seulement j’ai le sentiment actuel de commencer à plafonner dans mes performances…/…
Depuis le début, j’ai participé à plusieurs compétitions : des 10 km, des semis, des trails et un marathon. Il est un fait que je m’inscris dans ces épreuves de manière un peu aléatoire en fonction des sollicitations du club et d’invitations plus personnelles du groupe avec lequel je m’entraine sur la piste…/…
Quand on en a discuté la dernière fois, tu m’as dit que les compétitions devaient être programmées de manière cohérente en respectant des cycles pour continuer à progresser. Je n’ai pas bien compris de quels cycles ils s’agissaient. S’agit-il d’un seul cycle par compétition ? A quel moment débute-t-il ? Les cycles sont-ils toujours identiques ? Peux-tu développer ce point ? »

Réponse

En effet, pour qu’un entrainement soit cohérent dans sa globalité et qu’il ne soit pas seulement un assemblage de séances, il faut contrôler le processus allant du début du projet jusqu’à la compétition. Ce processus doit prendre en compte tous les paramètres liés à un objectif compétitif désigné. Et cela s’inscrit dans un certain nombre de cycles dans l’année qui respectent chacun des étapes avec des objectifs différents afin d’être au top le jour J de chaque épreuve.
Mais puisqu’on parle de « cycle », autant aborder cette problématique dans son ensemble car la notion de cycle n’a rien d’univoque. La planification de l’entraînement peut en effet se décliner en cycles pluriannuels, en cycles annuels, en macrocycles, en mésocycles de plus courte durée constitués eux- mêmes de microcycles. L’intérêt de périodiser la durée de l’entraînement est de pouvoir manipuler de manière pertinente certaines variables comme l’intensité, le volume, la fréquence, le nombre de séries et de répétitions, les périodes de récupération et d’introduire de la variété dans les séances. La périodisation de l’entraînement permet aussi d’éviter le surentraînement et de gérer une progression ou des infléchissements de programme dans la durée pour tenir compte des contraintes et des impondérables de vie.
Autant vous dire que j’avais écrit une première version sur ce thème dans une construction très théorique qui m’a semblé au final assez rébarbative à lire. Je l’ai donc reprise totalement en développant pour chaque type de cycle un exemple simple et explicite (en violet). Examinons donc ces différents cycles.

Le cycle pluriannuel (ou mégacycle) *

Prenons deux situations assez différentes pour en tirer les enseignements.

– Vous avez 35 ans et vous vous sentez en forme.
En course hors stade, l’âge de 30 à 40 ans est souvent celui qui engendre les meilleures performances de sa vie. C’est aussi à cette période que les capacités de récupération sont les plus fortes.
Ces capacités permettent de jouir de cette passion de l’athlétisme avec aisance tout en ayant la satisfaction d’en recueillir régulièrement les bénéfices en termes de performance.
Vous êtes donc dans un cycle d’apprentissage, de développement et d’optimisation où vous avez tout intérêt à optimiser vos qualités de vitesse sur le court sur piste, sur route, en cross et en trail.

– Vous avez 65 ans, prudence !
A compter de 60 ans, s’accentuent les phases de déclin. Toutefois, tout ne décline pas à la même vitesse surtout si les potentialités sont entretenues. A chacun de valoriser ses atouts.
Vous entrez donc dans un cycle où on apprend à cultiver son jardin en adaptant sa pratique sportive à ses capacités. Cela signifie par exemple :
– pratiquer l’entraînement croisé,
– mieux tenir compte de paramètres importants comme la nutrition et la récupération,
– considérer que le plus important n’est pas l’intensité des exercices que vous réalisez, mais leur régularité.

* de 3 à 10 ans

Nous voyons ici que les enjeux d’un parcours sportif sont très différents selon la période de vie où ils s’exercent d’autant que les conditions individuelles peuvent être très différentes. Par exemple : un(e) athlète célibataire a évidemment plus de temps pour s’entraîner qu’un(e) athlète (père ou mère de famille) devant répondre à de nombreuses obligations familiales.
Ce cadre étant défini, examinons un cas bien précis de tentative d’élaboration d’un cycle pluriannuel.

J’ai 41 ans et je m’entraine depuis 10 ans. Ma VMA est de 18, je m’entraine 3 à 4 fois par semaine au regard de mes obligations familiales (j’ai trois jeunes enfants).
J’ai effectué, ces 6 dernières années, 90 compétitions dont une vingtaine de cross qui sont pour moi une véritablement l’école de l’athlé et aident pour toutes les préparations que ce soit 10km, semi, marathon voire Trail…
Après une progression régulière, je ressens une stagnation de mes résultats. Que puis-je faire ?

Deux options sont possibles (ce ne sont ici que des exemples) :
Première option : il me faut modifier mes objectifs et découvrir de nouvelles distances pour retrouver une dynamique de progression. Avec les années, ma VMA (vitesse maximale aérobie) s’est plutôt stabilisée, mais mon expérience favorise un bon niveau de performance sur les épreuves moyennes. Je peux donc envisager un entraînement pour une distance ou un type de course mieux adapté à mon niveau.
Deuxième option : mon entraînement n’est pas toujours bien structuré par rapport à mes objectifs de compétition et la programmation de mes objectifs au fil des années n’est pas toujours très cohérente. Je passe facilement d’un marathon à l’Ekiden ou d’un trail à un 10 km.

Comment traduire cela dans une programmation pluriannuelle ?
– La première année, tester un certain nombre de distances et de profils d’épreuves bien différents afin de découvrir le type de compétitions où je suis le plus performant (d’un point de vue relatif).
– La deuxième année, dans de longues phases de préparation générale, travailler tous les paramètres généraux (vitesse, puissance, souplesse, capacité de relance, etc.) susceptibles de favoriser une progression pour le nouveau type d’épreuves retenues.
– La troisième année, dans de longues phases de développement spécifique, apprendre les techniques déterminantes pour les nouveaux objectifs de compétition.
– La quatrième année, mémoriser les caractéristiques et difficultés des nouveaux parcours de compétitions en acquérant, dès lors de l’expérience sur ce type d’épreuve.
– La cinquième année, dans de plus longues phases d’affutage, optimiser les paramètres prépondérants (vitesse, résistance, qualité de descendeur, etc.) qui font la différence en compétition et permettent d’accéder à des podiums.
– La sixième année, je devrais être au top pour atteindre mes objectifs.

 

Le cycle annuel

Le but du cycle annuel d’entraînement est de maîtriser l’apparition et le maintien de la forme sportive durant (environ) un an. Son déroulement est principalement déterminé par le calendrier des principales compétitions (constituant des macrocycles). Le développement de cette forme sportive s’opère en trois phases : acquisition, stabilisation et perte momentanée.

Entre ces grands cycles, la période transitoire a pour objectif d’apporter un repos suffisant puis à maintenir un niveau d’entraînement minimum pour que le macrocycle suivant soit entamé dans de bonnes conditions.
Ce cycle annuel a la particularité de tenir compte des grandes périodes que l’on retrouve chaque année : les saisons et les congés. En fonction de la nature des objectifs (très différents entre le court et le long), on établit une périodisation simple (100 km), double (marathon) ou multiple pour des petites épreuves. Dans ce cadre, examinons une tentative d’élaboration d’un cycle annuel.

J’ai 25 ans et je m’entraine depuis un an. Ma VMA est de 15, je peux m’entrainer 2 à 3 fois par semaine au regard de mes obligations professionnelles. J’ai participé à plusieurs compétitions de courte distance. J’aimerais passer sur des distances plus longues et des trails. Nous sommes en septembre, que puis-je faire ?

En premier lieu, je dois identifier, parmi les compétitions auxquelles j’aimerais prendre part, celles que je détermine comme prioritaires en termes de résultat souhaité. Cette étape doit m’amener à hiérarchiser les courses que je planifie. Sur cette base, je dois être en mesure de faire ressortir un ou deux objectifs principaux (les autres objectifs devenant secondaires). Combien d’objectifs puis-je choisir ?

Si le choix du nombre d’objectifs est important, c’est parce qu’il en découle un entraînement préparatoire qui va structurer toute la saison. Chaque objectif compétitif majeur donne lieu à l’élaboration d’un cycle d’entraînement sur plusieurs mois qui lui est orienté.
Sachant qu’un objectif prioritaire doit faire l’objet d’une préparation spécifique nécessitant une durée minimale de 2 à 4 mois (entre un dix kilomètres et un marathon), je peux, par exemple, me fixer 3 objectifs raisonnables dans l’année. Pour cela, je devrais tenir compte :
– du temps engagé pour l’entraînement,
– de mes disponibilités dans la semaine en m’adaptant (si possible aux programmations du club),
– de mes contraintes familiales et professionnelles
– d’un objectif de plus long terme.

Sur cette base, je peux programmer :
– un semi en automne (objectif principal)
– la participation à deux cross cet hiver (objectifs secondaires)
– la participation à un 10 km à la fin janvier (objectif principal)
– la participation à un semi en mars (objectif secondaire)
– la participation à un trail en mai (objectif principal)

Dans les faits, beaucoup d’incertitudes affectent le déroulement d’une saison sportive (conditions climatiques comme les fortes pluies du printemps 2018, méforme passagère, etc.). Tout ne peut être anticipé à l’avance. C’est pourquoi une planification doit être suffisamment large, souple et progressive afin de s’adapter aux aléas et contraintes externes.
Enfin, il est important de relater qu’un sein d’un cycle annuel et indépendamment des objectifs, les macrocycles varient en volume et en qualité.
Par exemple, en préparation générale du premier macrocycle, la priorité doit être donnée au foncier à allure fondamentale, au travail technique et à la VMA. Alors qu’en préparation générale du second macrocycle, ces paramètres sont en partie acquis ce qui permet d’améliorer ceux-ci en termes d’intensité.

Le macrocycle

Les étapes d’un macrocycle se déclinent en périodes ordonnées de la manière suivante, toutes orientées vers un objectif de compétition :
– Préparation générale (techniques de base, vitesse et renforcement général)
– Préparation spécifique (techniques et préparation spécifique pour l’objectif)
– Précompétitive (optimisation de paramètres décisifs)
– Affutage (derniers réglages)
– Jour J
– Période transitoire
Au sein d’un macrocycle, l’évolution des charges d’entraînement permet de mettre en évidence les relations entre les caractéristiques d’un travail intense (volume, intensité) et la récupération. Les courbes de volume et d’intensité de travail sont naturellement orientées en sens opposé : les grands volumes de travail (par exemple à la première étape de la période de préparation) sont associés à une faible intensité. L’augmentation de l’intensité, avec élévation de la proportion d’entraînement spécifique entraîne une diminution du volume de travail.

Dans ce cadre, examinons une tentative d’élaboration d’un macrocycle

J’ai 57 ans. Je m’entraîne 3 fois par semaine plus un peu de natation et de vélo. J’ai repris la course il y a 12 ans et suis passé graduellement de 51′ à 43’ au 10 km et de 1h55 à 1h34 au semi. Par contre les blessures se sont faites de plus en plus fréquentes et j’ai dû couper plusieurs fois pendant 3 ou 4 mois depuis 2015. Que puis-je faire ?

En premier lieu, identifier les causes des blessures diverses ou récurrentes. Je constate que les blessures sont récurrentes (périostites, entorses, etc.)
Avec l’aide d’un spécialiste (médecin ou entraîneur), je déduis que je pratique des entraînements trop intensifs.
Il est en effet inutile de vouloir forcer sur la vitesse dès le départ. Se mettre trop de pression à l’entraînement conduit à une surexploitation de mes muscles. Résultat : je me « paye » des périostites tibiales, les fractures dues au stress, sans oublier les entorses.
Conclusion : pour la préparation de la prochaine compétition,
– en période de développement général, je décide d’alterner des moments d’entrainements intensifs et des instants de relaxation. Lors des séances sur piste, je respecte mieux les pourcentages de VMA (je ne vais pas plus vite). Je varie les séances en y mettant des intensités variables sans jamais aller au bout de mes forces,
– en période de développement spécifique, après un entrainement intensif, je laisse vraiment mon corps se reposer avant de recommencer. Une séance de récupération doit toujours suivre une séance intensive. Je ne prévois pas plus 2 séances intensives à la suite.
Évidemment, cette nouvelle pratique devra s’étendre aux macrocycles suivants.

 

Le mesocycle

Le macrocycle d’entraînement est lui-même constitué par un ensemble de mésocycles, c’est à dire de périodes limitées permettant de générer un développement efficace et stable d’une aptitude visée. Examinons un cas d’élaboration de mésocycles.

J’ai 34 ans. Je m’entraîne 4 fois par semaine. Tout va bien, les entraînements se déroulent sans difficulté et j’ai de bons résultats en compétition.
Je reviens de longues vacances à l’étranger où durant deux mois, je n’ai pu m’entrainer correctement, je n’ai réalisé qu’un ou deux footings par semaine sur du plat tout en pratiquant d’autre sports : escalade, natation, etc. Que puis-je faire ?

En période de développement général.
1er mésocycle : 2 semaines de fartlek, d’endurance fondamentale et de VMA courte effectuées dans un esprit de reprise.
2ème mésocycle : 2 semaines de côtes, de VMA courte et longue.
3ème mésocycle : cycle complet de sortie longue, côtes et de VMA courte et longue.
Etc.

L’un des principaux intérêts de la répartition de la structure de l’entraînement en mésocycles est d’éviter le surmenage de l’athlète. En préparation de compétitions, nombre d’athlètes ont en effet tendance à augmenter la charge de l’entraînement dans toutes les dimensions (fractionné, travail de puissance et sortie longue) et à terminer épuisés le jour J.

Le microcycle

Christophe Franck (E-sporting-coach) explique mieux que je ne le ferais cette notion, je vous la livre intégralement :
« Les blocs ou microcycles : ce sont les éléments constituant un ensemble homogène de séances d’entraînement.
Ils permettent de faire varier le niveau des sollicitations  » fatigue / récupération  » et en fonction de celles-ci, on distingue :
– Les blocs d’introduction, situés le plus souvent en début de phases ;
– Les blocs de développement ou de chocs, dont la fonction est de développer efficacement les capacités de l’individu en appliquant des sollicitations importantes et répétées ;
– Les blocs d’affûtage, permettant aux capacités de se restaurer et d’être ainsi  » plein de jus  » pour l’échéance ;
– Les blocs de maintien, incluant les compétitions et qui privilégient travail spécifique et récupération ;
– Les blocs de récupération, généralement placés en fin de phases, indispensables à l’assimilation du travail précédent et à la régénération des capacités par diminution de l’état de fatigue. »

 

Remarque

Pour information, cette notion de cycles, déjà pas simple à expliquer, est en réalité plus complexe que ce qui est exprimé dans cette contribution. Des chercheurs dans le domaine du sport ont exploré ces notions en analysant précisément :
– Les charges d’entraînement,
– L’orientation de ces charges,
– Caractère irrégulier et ondulatoire du processus de restitution,
– Etc.

Ces notions concernent surtout la préparation à des compétitions de haut niveau. Elles sont maîtrisées par les coachs sportifs.

Conclusion

De manière régulière, chacun s’interroge sur sa pratique sportive :
Est-ce que j’en fais trop ? Pas assez ? Mon entraînement est-il vraiment adapté ?
Mes compétitions sont-elles bien programmées ? Pourquoi je plafonne ou régresse ? Cette démarche est saine !

Le grand intérêt de la maîtrise de la notion de cycles est d’accompagner cette remise en cause par une méthode qui permet d’anticiper son avenir sportif en dosant intelligemment tous les paramètres conduisant à prendre plaisir à s’entraîner et être performant en compétition.
Vous l’avez bien compris, en matière de cycle, il n’existe aucun protocole standard et figé pour chacun.
C’est à chaque athlète de construire son avenir dans la durée en infléchissant, si nécessaire, son mode d’entraînement en fonction des aléas de la vie (état de forme, blessure et contraintes imprévisibles). Il s’agit d’une démarche de maturité.

Christian Rebollo

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