Existe-il une tactique pour gérer les trails ?

Existe-il une tactique pour gérer les trails ?

Introduction

En réponse à la question suivante, par mail :
« Existe-il une tactique pour gérer les trails ? On m’avait conseillé la prudence au départ, surtout ne pas s’enflammer pour ne pas se « griller ». Ensuite, gérer les montées et récupérer en descente. Et c’est ce que j’ai fait : étant donné que je ne m’échauffe pas je pars tranquille plutôt à l’arrière puis je me mets en allure de croisière et j’accélère sur la fin si j’ai du jus. Le plus important pour moi c’est de ne pas marcher sauf si c’est trop raide. A ce jour, j’ai effectué 3 trois trails :
J’ai terminé mon premier trail, un petit trail effectué avec grand plaisir, dans les dernières places.
Je me suis mieux préparée pour le suivant, un 21 km, mais j’ai complètement craqué au 15ème km pour terminer en marchant sur de longues portions.
Lors du 3ème, plus court, je crois avoir été victime d’une insolation.
Bref, tout cela n’est pas brillant mais j’aimerais persévérer.
Tu m’avais donné de bons conseils pour me permettre de passer sous les 43’ au 10 km et en particulier des conseils tactiques pour gérer l’épreuve. Aurais tu des conseils équivalents pour gérer les trails ? »

Je formulerai deux réponses à cette question, une réponse simple où la notion tactique ne rentre pas en jeu et une réponse plus élaborée où les aspects stratégiques et tactiques peuvent devenir prépondérants.

La réponse simple

Il ne faut pas considérer les trois expériences vécues comme négatives. A la différence d’un 10 km plat (où de nombreux paramètres sont « fixes » : distance, tracé facile – on ne peut se tromper de
chemin, ravitaillement, pas de dénivelé, etc.), tous les trails sont différents et présentent un éventail de difficultés.
Aussi « L’esprit Trail » tend à responsabiliser le coureur, c’est-à-dire à tenir compte de ses premières expériences afin de gérer et surtout de mieux anticiper tous ces paramètres.
Au demeurant, si la volonté d’optimiser ses performances sur une série de 10 km aboutit souvent à des temps assez proches (dans la minute, comme on dit), c’est plus rarement le cas dans les trails.
Des facteurs externes comme la pluie, la boue, de fortes chaleurs… peuvent largement perturber les chronos.

Conclusion (simple)
Pas de tactique mais, outre les conseils récurrents sur internet concernant les chaussures, l’alimentation, l’hydratation…, appliquer ces quelques principes fondamentaux :
1) Se fixer des objectifs abordables. Cela signifie choisir des trails correspondant à son niveau en distance, en dénivelé et en technicité. L’expérience prouve que faire des paris de réussite sur des
difficultés irréalistes ou non anticipées aboutit généralement à un échec.
2) Appliquer un programme d’entrainement suffisamment long et adapté à l’objectif. Le week-end, les sorties longues devront être effectuées sur des terrains variés et des dénivelés proches de ceux de l’objectif.
3) La gestion des côtes et des descentes devra être travaillée spécifiquement en variant leur profil : côtes et descentes raides ou faciles, longues ou courtes, sols stables et instables.
Et, si possible :
– S’entraîner en équipe, dans un groupe adapté à son niveau, dans un club développant, avec un bon entraîneur, la pratique du trail.
– Ne pas toujours chercher la performance. Outre le plaisir de courir et les bienfaits qui y sont associés, le trail présente l’immense avantage de nous emmener à la découverte de nouvelles régions, de nouveaux massifs, de nouveaux terrains de jeux…Découverte géographique, découverte humaine et découverte de soi… Mais ça, je crois que vous l’avez déjà compris.

Une réponse plus élaborée

Si les seules capacités physiques et la préparation techniques s’avèrent prépondérantes pour les débutants en trail, elles ne suffisent plus pour gagner en performance ou battre des records. Pour cela
une stratégie et des tactiques deviennent indispensables.

Quelles sont les différences entre stratégie et tactique ?

La lecture du dictionnaire nous livre celle-ci : La tactique est définie comme :« Ensemble de moyens habiles employés pour obtenir le résultat voulu ». … La vraie différence c’est que la stratégie voit à long terme, alors que la tactique s’applique dans des actions ponctuelles. « La tactique te permet de gagner la bataille, la stratégie la guerre ».

a. Quelle stratégie pour être performant en trail ?
Il s’agit d’anticiper le maximum de paramètres sachant que cette démarche s’acquière avec l’expérience, tant négative que positive.

1) Choisir une gestion d’allure pertinente sur toute la distance de l’épreuve
a – Le positive split
Il s’agit une technique efficace pour se débarrasser d’un adversaire (celui-ci, atteint moralement, peut abandonner l’idée de rattraper son concurrent).
Le risque est de « griller » une partie de ses forces en étant légèrement en surrégime dans la première partie de l’épreuve, ce qui peut se payer chèrement dans la seconde partie.
b – Le negative split
Il s’agit d’en « garder sous le pied » dans la première partie de l’épreuve et de libérer son allure dans la seconde.
Pour nombre d’athlètes performants, j’ai lu que « le negative split est la voie royale vers une bonne performance ».
Comme sur route, le negative split est une stratégie qui correspond à certains profils d’athlètes sachant que cette technique nécessite une bonne connaissance du parcours (par reconnaissance ou
pour l’avoir déjà effectué).
c – Gestion régulière
Elle s’apparente à celle du « métronome » sur le plat. Il s’agit de déterminer la bonne intensité et de maintenir globalement une allure régulière sur tout le parcours en variant simplement l’amplitude de la foulée en fonction du dénivelé. Cette stratégie est la plus sécurisante mais la moins performante.
d – La stratégie d’usure
C’est l’une des spécialités kenyanes qui consiste à accélérer, ralentir soudainement l’allure et repartir de plus belle. Cette technique est assez démoralisante pour les concurrents qui sont des coureurs
réguliers. Elle présente aussi l’avantage de gérer les relances en fonction de ses biorythmes et plus généralement de ses sensations.
Cette technique est intéressante pour les coureurs légers et rapides. Elle s’optimise par des entrainements adaptés :
– séance de fractionné très court (sollicitation des fibres explosives),
– travail de changement d’allure,
– travail de relance,
– séance au seuil.

2) Segmenter le parcours sur le trail

En fonction des difficultés, déterminer les segments avec une allure tranquille (récupération), d’autres avec une allure soutenue, d’autres enfin avec des relances.

3) Valoriser ses qualités
Utilisez celles-ci en fonction du terrain ! Par exemple,
– un bon grimpeur a intérêt à « faire le trou » dans les montées et limiter les « dégâts » dans la descente,
– un bon descendeur a intérêt à gérer tranquillement les montées et accélérer dans les descentes,
– un bon finisseur a intérêt à choisir le meilleur moment pour lancer une accélération finale.

4) Anticiper des conditions météo défavorables
Pour les trails de plus de 15 km, une météo favorable au départ peut s’inverser avec la confrontation à de fortes chaleurs ou des trombes d’eau. Par exemple :
– Après un départ à température agréable, le passage d’un sommet ou d’un col peut faire chuter les températures de manière considérable.
– La non anticipation de ses changements en termes vestimentaires peut être gravement préjudiciable à la performance finale.

5) Sélectionner judicieusement son matériel
Le sac doit contenir suffisamment de choses (aliment, boisson, protection, etc.) pour anticiper les besoins mais ne pas être trop lourd et chargé pour ne pas freiner l’intensité de l’effort.
Bien évidemment, et cela concerne toutes les épreuves d’athlétisme, le matériel doit être testé à l’avance et il ne faut jamais se fier à des pseudos produits miracle vantés par des « stratégies
commerciales ».

6) La stratégie nutritionnelle
La meilleure façon de s’alimenter et de s’hydrater s’élabore avec l’expérience. Reste qu’on ne s’alimente jamais tout à fait de la même manière dans chaque trail.
Il est important d’adapter ces conditions à la météo, à l’altitude et à l’état de fatigue.

b. Quelles tactiques pour être performant en trail ?

1) Être réactif
Quel que soit l’allure adoptée au départ, il est important de tenir compte de tous les paramètres circonstanciels : position relative par rapport au concurrent, niveau de forme personnelle, constitution des groupes de coureurs, etc.
Sans dénaturer une logique globale, il est préférable de tenir compte de toutes les petites opportunités, plutôt que de se fermer à celles-ci.

2) Saisir les opportunités
Par exemple :
– Se placer dans le sillage d’un groupe.
– Se coller à un groupe est dangereux avec le risque de se laisser entraîner dans une allure excessive, se protéger momentanément derrière lui ou le garder en ligne de mire peut être très utile pour :
– ouvrir la voie
– détecter plus tôt les obstacles
– adopter un train régulier

3) Jouer sur l’effet de surprise
Avant de doubler un concurrent, ralentir le rythme pour récupérer et attendre le meilleur moment pour le doubler en accélérant dans le but de le surprendre et de le distancer.

4) Gérer les imprévus
Par exemple :
– Face à une douleur physique, réagir avec lucidité, ce qui signifie contrôler celle-ci ou bien renoncer à son objectif ce qui signifie passer en mode jogging ou abandonner.
– Face à un malaise, engendré par exemple par la chaleur, adopter immédiatement une attitude adéquate (s’arrêter un peu, se mettre à l’ombre, s’hydrater avec une boisson sucrée, etc.) sous peine de voir les choses s’aggraver et devoir finalement abandonner.

 

Conclusion : le lièvre et la tortue

Pour les débutants, il y a surtout une expérience à acquérir.
Pour les compétiteurs, il y a bien une stratégie d’anticipation et tout un jeu tactique à pratiquer.
Reste qu’en permanence, il faut « gamberger » : suis-je dans la bonne allure ? Où en sont les autres ? Devrais-je ralentir un peu ? C’est le moment de relancer !
La clef du succès est d’utiliser ses propres armes aux bons moments. Souvenez-vous de l’histoire du lièvre et de la tortue. Dans un trail, le mental compte beaucoup et ce n’est pas toujours le plus fort qui gagne.

Christian Rebollo

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