La SaintéLyon 2017 de Jean-Michel

Après un Impérial trail de Fontainebleau réussi où je me suis bien fait plaisir, je cherche à capitaliser sur ma forme du moment en cherchant une dernière course d’un format similaire. En cette fin d’année, seule la SaintéLyon correspond au format souhaité, je l’ai déjà finie deux fois et je sais que le parcours convient parfaitement à nos qualités de trailers/routiers parisiens. C’est vendu je ferais ma 3ème participation à la Sainté, après avoir cherché en vain à recruter d’autres coureurs ACF…

Le jour J je ne me sens pas particulièrement d’attaque, d’autant que nous sortons d’une soirée où nous avons bien profité de la gastronomie lyonnaise, c’était d’ailleurs un peu la condition de participation à la SaintéLyon. Cette année la course s’annonce dure, le parcours est totalement enneigé et il fait -2/-3°C à St-Etienne et jusqu’à -10°C sur les crêtes avec de forts vents. Point noir de l’organisation, pourtant bien huilée et habituée à gérer plus de 15 000 coureurs sur les différentes course dont un départ de 6000 coureurs solos et sans doute environ 1000 relais ,un départ par vagues. Cela oblige ceux qui voudraient partir devant à patienter plus d’1h dans le froid, à moins de disposer d’un dossard élite, c’est-à-dire en gros de faire partie des 50 premiers, ce qui n’est pas mon cas bien sûr. Cette longue attente dans le froid vaudra d’ailleurs à certains coureurs de faire un malaise, les empêchant du coup de prendre le départ. Le filtre par SAS avait au moins le mérite de classer un tant soit peu les gens par objectifs de temps, ici tout le monde veut partir devant, d’autant que cela permet de prendre un peu d’avance sur les BH pour certains coureurs. De plus quantité de coureurs essaie de passer par-dessus les barrières pour se replacer devant sans avoir fait la queue, l’esprit trail ouais, c’est vraiment un départ chaotique qui a le don de m’irriter avant même le départ. Je pars finalement dans la 2ème vague, ce qui signifie que 1300 coureurs se sont élancés devant moi, qu’il va falloir que je reprenne vite sous peine d’être bloqué dès les premiers singles…

Départ assez rapide donc mais pas trop mal géré, les 7 premiers km jusqu’à Sorbiers se font à autour de 12-12,5km/h, sans surchauffe, arrivent ensuite les premières bosses et chemins, absorbés au train sans se mettre dans le dur. L’erreur ici, commise pourtant par bon nombre de coureurs, consiste à partir sur une allure marathon ou même plus vite jusqu’à St-Christo et à arriver cuit à Ste-Catherine, certains coureurs sont déjà essoufflés. Sur les hauteurs on peut apercevoir le fameux serpent de frontales qui s’étire sur des kilomètres, c’est vrai que c’est superbe, les coureurs illuminent tout le paysage dans la nuit. En plus nous avons de la chance la pleine lune est magnifique et éclaire les bas-côtés complètement recouverts de neige. C’est ça qui fait le charme de la Sainté et qui laisse des souvenirs impérissables aux coureurs.

Je pointe à St-Christo en 1h24min (16km et 500m D+), je ne m’arrête pas et file directement vers Ste-Catherine. Nous croisons à plusieurs reprises des spectateurs qui ont allumé de grands braseros, c’est vraiment chouette d’avoir de tels supporters au bord de la route, eux aussi ont bravé le froid et ils mettent une ambiance d’enfer qui nous réchauffe. Eux aussi feront partie des beaux souvenirs de la Sainté que nous emporterons avec nous. Globalement sur le plat je reprends pas mal de monde, en montée je suis assez lent mais limite la casse et en descente par contre je me fais vraiment plaisir et reprends quantité de coureurs, la neige un peu tassée ne présente aucune difficulté à courir et offre de bons appuis. Je pense aux conseils apportés par Eric dans les séances de côtes du lundi et je me régale. Passage à Ste-Catherine en 2h40min (28km 850m D+), je continue à filer, j’ai assez de boisson et l’idée est de tout re-remplir à St-Genou à mi-course.

C’est entre Ste-Catherine et St-Genou que nous allons gravir le point culminant, à mi-course, la côte du signal. La montée est interminable et il fait un froid terrible, même en courant nous grelottons, personne ne parvient à se réchauffer, nous avons tous hâte de basculer à nouveau dans les bois. Sauf qu’une fois arrivé dans la descente, le parcours qui a vu passer plus de 3000 coureurs de la SaintExpress a complètement verglacé, la descente est impraticable ! Tout le monde tombe les uns après les autres, dans cette portion je chuterai à 5 ou 6 reprises en moins de 10 minutes, avec la fatigue accumulée déjà, et la lucidité en baisse je commence à sérieusement penser à l’abandon. Si le parcours continue comme ça encore longtemps j’arrêterai, c’est trop dangereux et je ne suis pas venu pour terminer avec une jambe cassée…

Finalement le parcours retrouve la route et j’arrive enfin à St-Genou en 4h08min (41,5km 1270m D+). Je remplis ma poche à eau d’un mélange eau/coca ainsi que les flasques. Je ne m’éternise pas, normalement je n’aurais plus besoin de m’arrêter. Après St-Genou le parcours redevient praticable alors je sais que je vais finir, je ne peux quand même pas abandonner alors que mon beau-fils court son premier cross ce matin à 9h, nous avons prévu de l’appeler une fois que je serais arrivé pour lui souhaiter bonne chance et l’encourager. Je ne serai pas très crédible si j’ai plié dès les premières difficultés. En plus je suis en train de faire une bonne course, je le sais, j’arrive à peu marcher et à trottiner dans les faux-plats montants, je sais que c’est ici que l’on peut gagner ou perdre beaucoup de temps. Malheureusement mon camel a gelé et même l’ouverture de la poche a gelé ! Le gaz du coca a fait gonflé la poche mais je ne peux ni absorber le liquide par l’embout, ni ouvrir la poche pour la vider, je me retrouve avec une boule qui appuie sur mon dos et 2kg à transporter pour rien, et surtout je vais devoir m’arrêter à Soucieu remplir les flasques…

Ça devient dur, il reste encore pas mal de bornes, le corps répond moins bien, la moyenne descend, le 12,5km/h est assez loin maintenant mais les jambes répondent encore donc il faut y aller, sans réfléchir. Je me rappelle Marie-Do qui commente sur Facebook, mais pourquoi s’infliger 70 bornes dans le froid, la neige, la nuit alors qu’on pourrait dormir, mais comme elle avait raison ! Je me rappelle aussi que j’ai toujours souffert sur la Sainté, le parcours semble facile : mi-route, mi-trail et globalement descendant, mais elle regorge de difficultés.

Enfin j’arrive à Soucieu en Jarrest en 5h20min (52km, 1500m D+), j’en profite pour vider ma poche à eau devenue inutile maintenant que l’ouverture a dégelé et je remplis les flasques. Je sais la course gagnée, j’ai encore assez de jus, il suffit de dérouler, faire les efforts sur chaque replat, sur chaque petite montée, sans chercher à aller trop vite, et marcher en récup dans les montées abruptes. Le corps ici est en équilibre, une surchauffe peu le mettre par terre il faut être patient. Le tronçon Soucieu-Chaponost est le plus dur mentalement tandis que le tronçon Chaponost-Lyon est le plus dur physiquement. Ce qui est dommage c’est que je vais devoir m’arrêter à Chaponost car je n’ai pas assez de boisson dans mes deux gourdes, je ne veux pas prendre de risque et finir sec. Les jambes répondent encore bien malgré la fatigue, je peux faire du 12km/h sur le plat. C’est une sensation de souffrance et de puissance, c’est vraiment grisant malgré tout, je ne saurais pas dire si je prends du plaisir, je ne pense pas, mais la sensation de faire une belle course me permet de surmonter. Je pense à mes proches, ma copine qui sera fière de moi à l’arrivée, aux potes d’ACF aussi, je les imagine m’encourager et aussi je les vois tenir dans les moments durs, au marathon, aux cross, aux trails de montagne, et je me dis que je dois leur faire honneur, eux ils tiendraient. Allez ça va le faire !

Je passe donc à Chaponost en 6h18min (62km 1700m D+), je repars vite, il ne me reste que 10km dont je me rappelle parfaitement, les bords de rivière, l’affreuse montée de Beaunant à 4km de l’arrivée, interminable et abrupte, on croit avoir fini mais ça repart derrière jusqu’à 3km de l’arrivée. Les derniers kilomètres sont loin d’être faciles en fait, mais c’est fini alors on produit les derniers efforts, le parc, puis les quais, et enfin les abords de la Halle Tony Garnier et c’est l’arrivée ! La halle est remplie de spectateurs, je vois ma copine derrière les barrières, j’arrive le sourire jusqu’aux oreilles, fier et soulagé, je l’ai fait ! Une troisième Sainté, dans des conditions difficiles, terminée en 7h26min et 144ème position.

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